L’anomalie démocratique espagnole

Plus de 300 jours sans gouvernement, une troisième élection qui se profile avec pour date le 25 décembre, l’Espagne est un cas unique en Europe.

Aujourd’hui débutait la session d’investiture pour que le Parlement espagnol élise un président de gouvernement. Mariano Rajoy candidat du parti conservateur, avait déclaré il y a quinze jours concernant ce débat d’investiture : «on n’y va pas quand on a la certitude absolue de ne pas être investi, et [pourtant] cette fois-ci, j’y vais». En effet, après 300 jours sans gouvernement, le parlement espagnol convoque un débat d’investiture avec un candidat voué à l’échec à cause du nombre insuffisant de députés le soutenant.


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Le Parti Popular de Mariano Rajoy est certes arrivé en tête des dernières législatives, mais avec un score insuffisant pour dégager une majorité de députés lui permettant de décrocher l’investiture. Le conservateur doit obtenir la majorité devant le Parlement, soit 176 voix sur 350. Il compte sur ses 137 élus auxquels s’ajoutent les centristes de Ciudadanos, qui lui apporteront leurs 32 voix. Avec celle d’une élue des Canaries, M. Rajoy est à 170 votes, il lui en manque donc 6.

Autrement dit, le parlement espagnol va débattre pendant trois jours pour une investiture que tout le monde sait perdue d’avance. Les partis politiques se rejettent mutuellement la faute. Le parti socialiste est celui qui détient la clé de la porte de sortie. Si les 84 députés socialistes s’abstenaient comme le demande la droite depuis 300 jours, un gouvernement pourrait voir le jour. Le PS rejette cette option prétextant que Mariano Rajoy est rongé par la corruption et invite la droite à changer de candidat pour éventuellement modifier son vote.

Les élections basques, le nouvel espoir du PP

Les débats ont commencé cet après-midi avec Mariano Rajoy qui a discouru sur les grands classiques : emploi, Europe, et le besoin d’un gouvernement fort et stable. Le parlement, après le vote perdu de cette semaine, aura deux mois de plus pour trouver une solution. Le Partido Popular a quant à lui une idée pour trouver une sortie de secours : les indépendantistes du Pays basque.

Dans cette région, une élection régionale se tiendra le 25 septembre prochain. Le parti national basque (PNV) risque de ne pas avoir de majorité absolue. L’idée du Partido Popular serait un accord de bon procédé : un vote régional du PP pour donner la majorité au PNV qui en retour voterait pour Mariano Rajoy lors d’un nouveau débat d’investiture après le 25 septembre.

Mais des courants d’airs pourraient bien claquer cette porte de sortie. Une potentielle investiture après le 25 septembre sera une course contre la montre. Il ne restera plus qu’un mois de délai légal avant la convocation automatique de nouvelles législatives. La « solution basque » pourrait être une porte en trompe-l’œil. Le nouveau parlement régional pourrait se retrouver fragmenté entre les nationalistes du PNV, des indépendantistes radicaux de Bildu, de la gauche radicale de Podemos, du PP et des socialistes. Rien n’indique que l’équation PNV + PP donne une majorité stable au pays basque.

Pour rajouter de la complexité, les alliés du PP, les centristes de Ciudadanos rajoutent un nouveau verrou en refusant toute faveur économique particulière au Pays basque, ce qui serait la condition sine qua non des Basques pour soutenir un gouvernement de droite. Les temps politiques espagnols étant plus que lents, rien ne fait non plus penser que cet ensemble de partis pourront se mettre d’accord en l’espace d’un mois. En cas de non accord pour investir Mariano Rajoy, la droite a su jouer habillement du calendrier constitutionnel. La date de l’investiture étant le 30 août, la date de prochaines élections tomberait le 25 décembre prochain. Une manière de plus de mettre la pression sur les socialistes pour qu’ils laissent Mariano Rajoy gouverner.

Le Roi Felipe VI en position délicate

Il se dit dans les couloirs des Palais de Madrid que le Roi d’Espagne serait « furieux » de la situation. Felipe VI, qui ne dispose que d’une fonction de représentation de l’Espagne sans réel pouvoir politique, se retrouve avec « toutes ses sorties officielles annulées ». Devant le ridicule de la situation politique, le Roi n’a pas pu, à titre d’exemple, assister aux Jeux Olympiques de Rio. La perte d’une finale avec Rafael Nadal a montré la gravité de la situation au souverain qui aurait déclaré que son souhait serait que Mariano Rajoy et Pedro Sánchez quittent la vie politique afin de débloquer la situation.

Un proche de la Maison Royale confiait que les responsables politiques espagnols étaient « devenus fous », et qu’une troisième élection législative le jour de Noël serait dramatique pour le Roi qui ne pourrait pas prononcer son traditionnel discours télévisé de vœux le soir du réveillon. En cas de troisième élection, le cas espagnol serait une première dans l’espace européen depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale.

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