Barça féminin – Le fabuleux destin d’Ange N’Guessan

Voici le fabuleux destin d’Ange N’Guessan, Ivoirienne et footballeuse d’1 mètre 51 qui joue au F.C. Barcelone. Une preuve vivante que tout est possible avec détermination et envie.

Photo: J. Lazaro

Elle a poussé un ouf de soulagement quand on lui a dit que l’interview avec Equinox serait en français. Arrivée l’été dernier à Barcelone, Ange N’Guessan ne se sent en effet pas encore très à l’aise en espagnol. Sur le terrain et dans le vestiaire, par contre, tout va bien. « C’est une fille formidable. Elle a fait de gros efforts pour s’intégrer et elle très appréciée du vestiaire » confirme son entraîneur Xavi Llorens. Pas étonnant de la part de ce petit bout de femme d’1m51 venu de Côte d’Ivoire, dont l’histoire est tout simplement inspirante.

Ange Koko, un fabuleux destin

«Je suis née à Abidjan dans la commune de Yopougon (2 millions d’habitants NDLR). J’ai commencé à jouer au foot à l’école primaire de Saint Job parce qu’un de mes maîtres de CM1 aimait bien mon jeu. Pourtant les filles pratiquaient d’autres sports comme le hand. Je ne jouais donc qu’avec des garçons. J’étais la seule fille». Assise à la cafétéria de la Ciutat Esportiva de Sant Joan Despi, Ange évoque ses souvenirs. « Je me faisais plaisir parce que tous les garçons me sous-estimaient. Ils pensaient qu’une fille ne pouvait pas pratiquer ce sport. Mais quand je jouais, ils étaient étonnés. » Petite, Ange était déjà dingue de ce sport. « J’y jouais tous les jours. Des fois même je séchais les cours pour aller jouer avec eux. »


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L’Ivoirienne de 26 ans sait déjà que qu’elle ne veut être « ni directrice, ni comptable ou secrétaire, seulement footballeuse. » Malgré tout, elle écoute ses parents qui la poussent aussi à continuer ses études tout en la soutenant dans sa passion. « Je suis allée jusqu’en classe de terminale. Là j’avais du mal à conjuguer les cours et les entraînements. Et comme dans la vie il faut savoir prendre certaines décisions alors j’ai choisi le football. »

Interview Ange Koko

Ange N’Guessan pendant son interview à Equinox à la Ciutat Esportiva Joan Gamper (Photo: J. Lazaro)

Sa vie change en 2015

Ange joue alors attaquante à l’Omness de Dabou. Elle est nommée meilleure joueuse de Côte d’Ivoire en 2013 après avoir remporté le championnat et la Coupe nationale. Deux ans plus tard, son pays est qualifié pour la Coupe du Monde. Le souvenir le plus marquant d’Ange reste toutefois la qualification pour la CAN un an auparavant. « Pour s’y qualifier nous avons dû jouer contre la tenante du titre, la Guinée Equatoriale. Au pays, personne ne croyait en nous même après le match aller – un partout à Abidjan. Mais nous, on partait sans pression face à ces stars dont certaines étaient Portugaises ou Brésiliennes naturalisées. Au retour, la Guinée Equatoriale marque un but rapidement et on égalise. Puis je mets le deuxième but à la 88ème minute. Elles sont revenues à 2-2 mais on a tenu jusqu’au coup de sifflet final et on s’est qualifiées. C’était incroyable.»

Le fabuleux destin d’Ange est en marche. A la Coupe du Monde, l’Ivoirienne marque un but qui fait le tour du monde. Et qui change sa vie. « Je pars pour le plus grand club de la Lituanie. C’était tellement incroyable que j’ai demandé à mon manager si c’était vrai. Parce que d’habitude les meilleures Ivoiriennes partent au Maroc ou en Tunisie, alors que pour moi, la Lituanie, ça voulait dire l’Europe. Je ne faisais pas la différence. » Ange reste un an en Lituanie où elle très appréciée. Puis direction Chypre la saison suivante. Avant de rentrer à Adibjan l’été dernier. 

« Quel Barcelone ? »

Dans le football féminin les contrats sont souvent d’un an. C’est pourquoi Ange a autant bougé. Jusqu’à ce que… « Un beau matin de l’été 2016 mon manager m’appelle et me dit : « Ange prépare tes papiers tu vas à Barcelone. » Hostiiiiia ! (elle frappe dans ses mains). Je n’en revenais pas ». L’Ivoirienne est tellement surprise qu’elle demande confirmation à son manager. « Tu parles de quel Barcelone au fait ? Du Barcelone où Messi joue ? Je rêve ou quoi ?. « Non tu ne rêves pas, commence à faire tes papiers. On est en train de discuter avec le club des détails. » Sur ce, Ange raccroche. « Je me mets à trembler. Barcelone ? Le Barcelone de Messi ? Incroyable ! »

Ange signe le 13 août 2016 au F.C. Barcelone. Ses débuts sont freinés par des problèmes bureaucratiques. Elle part deux mois en Côte d’Ivoire en octobre pour faire ses papiers. Mais elle s’adapte vite. « C’est plus dur qu’en Lituanie ou à Chypre parce que le niveau est plus élevé. Le Barça est plus professionnel. Mais les filles m’ont très bien accueillies et le Club a mis à ma disposition une professeure d’espagnol pour progresser ». Sur le terrain, par contre, Ange n’a pas de souci pour se faire comprendre. « Mes coéquipières m’ont appris des petits mots pour me débrouiller. L’entrainement aide aussi. C’est plus facile en match si tu donnes 100% quand tu t’entraînes. »


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Et puis un jour, Ange rencontre Leo Messi. « On faisait la photo annuelle des équipes filles et  garçons. Quand on a fini, on a repris la route de l’entrainement avec mes coéquipières. On croise Messi mais moi je suis très timide parce que je n’aime pas trop parler. Ce sont mes coéquipières qui ont demandé pour moi et il a dit oui. » Tout un symbole pour ce bout de femme de 1m51 qui voit en Messi l’exemple vivant que le physique ne fait pas tout dans le monde du football. «Il n’a pas la taille de Ibrahimovic  – Messi mesure 1m69 – mais c’est le meilleur joueur du monde. Ça veut dire qu’il est intelligent et qu’il joue avec sa vivacité. Et moi ? Face aux grandes joueuses d’1 mètre 80 j’aime avoir la balle au pied, jouer en 1 contre 1, dribbler. Provoquer en somme »

 

Ange Koko et Messi

Ange et Leo (photo: Soknews)

 

Aujourd’hui Ange est fière de son parcours. «Parce qu’avec ma taille ce n’est pas évident d’arriver au F.C. Barcelone. Je dis aux autres filles qui sont en Côte d’Ivoire et en Afrique qu’il faut y croire ». Ange Koko refuse cependant le statut de star. « Je n’aime pas trop ce mot. Je veux être la petite fille qui joue au football. » Une petite fille au caractère bien trempé. « En arrivant au F.C. Barcelone je n’ai fait que placer la barre à un certain niveau. Maintenant je cherche à poser les pierres pour rester ici. Je me réveille chaque matin avec la détermination, le courage et je remercie Dieu. Je me dis que j’ai un incroyable destin. Si je suis arrivée de mon village à Barcelone, c’est grâce à ma détermination. Mais je ne suis pas arrivée pour autant. Les gens ont les yeux sur toi. Ils pensent : Qu’est-ce que cette fille peut apporter au grand F.C. Barcelone ? Qui est cette fille ? Je travaille donc en conséquence ». L’exigence est en effet très grande au Barça, qui joue les quarts de finale de la Ligue des Champions et tente de remporter la Liga, deuxième derrière l’Atletico Madrid. « Le football est magique. Tout peut arriver tout le temps. On peut gagner si « Somos uno » (nous ne faisons qu’un). »

Le football et le F.C. Barcelone ont aussi beaucoup gagné grâce à Ange N’Guessan. Car l’Ivoirienne est un exemple pour tous ceux qui cherchent à dépasser leurs limites. Et un motif d’espoir pour ceux qui croient que des choses leurs sont inaccessibles.

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