Opération Portefeuille, nouvelle arme de l’Espagne contre l’indépendantisme catalan

Amende record pour l’ancien président Artur Mas, menace de saisie du patrimoine des ministres catalans et éventuel blocage des crédits qui financent le gouvernement de Catalogne, l’État espagnol a lancé « l’opération portefeuille » avec pour objectif d’empêcher le référendum d’indépendance le 1er octobre prochain.

Le processus moderne de l’indépendantisme catalan a débuté en 2012. Le président catalan de l’époque Artur Mas tenta de négocier un pacte fiscal avec le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy. Le concept du « concert fiscal » est la perception des impôts par la Catalogne, qui définit au préalable son budget et qui ensuite reverse le surplus à l’Espagne au nom de la solidarité nationale. L’exact inverse du système actuel où la Catalogne envoie l’intégralité des impôts à Madrid qui ensuite reverse une somme, jugée insuffisante par les souverainistes catalans.

Fort de sa majorité absolue au parlement espagnol, en 2012 Mariano Rajoy envoie sur les roses Artur Mas et sa demande d’accord fiscal. Simultanément au rejet par le tribunal espagnol de la réforme constitutionnelle offrant divers avantages à la Catalogne, l’échec du pacte fiscal mit le feu aux poudres indépendantistes ouvrant l’actuel processus politique.

L’argent, nerf de la guerre, pourrait offrir la victoire d’une bataille à l’État espagnol. Le gouvernement de Mariano Rajoy a lancé « l’opération portefeuille » (operación bolsillo) qui se décline en trois phases.

1. L’opération patrimoine

Le référendum du 1er octobre n’étant pas autorisé par le gouvernement espagnol, Madrid compte poursuive personnellement les ministres qui cosigneraient la convocation de la consultation. Traduction : la justice espagnole pourrait saisir le patrimoine des ministres, comptes en banques, propriétés immobilières et autres actifs. Pris de panique, le ministre des entreprises Jordi Baiget déclarait dans la presse il y a une quinzaine de jours que le référendum ne pourrait pas se faire, l’État espagnol étant trop puissant. Le ministre ajoutait qu’il craignait pour son patrimoine. C’était la première fois dans le conflit indépendantiste que le mot patrimoine était employé. Lancement de l’opération.

Le conseller Baiget fut démis de ses fonctions par le président Puigdemont, qui dans la foulée demandait en tête à tête aux membres de son gouvernement si ils étaient prêt a assumer toutes les conséquences du référendum. Résultat : Neus Munté, Jordi Jané et Meritxell Ruiz ont quitté l’exécutif. Parmi les membres du gouvernement restants, l’enjeu est de taille. Selon les déclarations de transparence faites devant le parlement de Catalogne, le président Puigdemont dispose d’un patrimoine de 294.000 euros, le vice-président Junqueras 393.784 euros, Josep Rull 919.735 euros. Autant de sommes pouvant être confisquées par le gouvernement espagnol.

2. L’opération tribunal de comptes

En novembre 2014, Artur Mas, avait soutenu une consultation populaire sur l’indépendance de la Catalogne. Une consultation qui allait beaucoup moins loin que le concept de référendum illégal proposé aujourd’hui. Néanmoins Artur Mas a été poursuivi par les tribunaux espagnols et condamné à une peine d’inéligibilité de 9 ans et une amende de 36.500 euros.

Aujourd’hui le tribunal des comptes va beaucoup plus loin et a ouvert une procédure pour que l’ancien président Mas paie à titre personnel les frais engagés autour de la consultation. Une somme astronomique qui avoisine les 5 millions d’euros et largement supérieure au patrimoine d’Artur Mas. Si le tribunal des comptes va au bout de sa logique, Artur Mas pourrait se retrouver ruiné.

3. L’opération asphyxie économique du gouvernement catalan

En plus de poursuivre individuellement les responsables politiques indépendantistes, le gouvernement espagnol va plus loin en menaçant de fermer le robinet de financement de la Generalitat. Le gouvernement espagnol verse de l’argent à la Catalogne et autres autonomies espagnoles via le « Fond de liquidité des autonomies » (FLA). Officiellement, le gouvernement de Catalogne n’a pas le droit d’utiliser un seul euro de son budget pour organiser le référendum. Pour éviter que la Generalitat finance son référendum, le ministère des finances espagnol a annoncé qu’il exigerait dès cette semaine un rapport hebdomadaire détaillé de la comptabilité du gouvernement catalan. Un travail administratif d’une lourdeur extrême pour les fonctionnaires du ministère de l’économie catalan.

En cas de manquement, l’Espagne menace de ne plus envoyer l’argent du FLA qui sert à payer les fonctionnaires, les services publics catalans et les fournisseurs de la Generalitat. Une mesure extrême qui n’est soutenue que du bout des lèvres par les centristes de Ciudadanos, et ouvertement condamnée par les nationalistes basques, tous deux partenaires gouvernementaux de Mariano Rajoy. Et une mesure qui sera difficile à appliquer tant elle vise à prendre en otage les citoyens catalans.

Le président catalan Carles Puigdemont est furieux, rappelant sur le réseau social Twitter que via le FLA, l’Espagne prête avec des intérêts à la Catalogne un argent qui lui appartient déjà, les Catalans reversant plus d’impôts que ce qu’ils récupèrent. Le fameux concept du pacte fiscal d’Artur Mas en 2012.

Mariano Rajoy et ses équipes seraient particulièrement satisfaits du résultat de ces opérations, beaucoup plus efficaces selon eux que les différentes initiatives engagées auparavant. Le gouvernement catalan quant à lui affirme qu’il ne reculera pas et que le référendum du 1er octobre aura bien lieu. Le vice-président en charge de l’économie Oriol Junqueras envisage de créer une réserve catalane basée sur les dons volontaires des citoyens et servant à financer l’organisation du référendum.

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