Les attentats n’empêchent pas les polémiques entre la Catalogne et l’Espagne

Depuis jeudi dernier, le gouvernement espagnol et l’exécutif catalan maintiennent une certaine dignité face aux tragiques événements. Cependant, de nombreuses tensions et dérapages ont émaillé une période qui aurait dû être marquée par une totale unité nationale.

20 heures. C’est la très longue période de temps qu’il aura fallu au Premier Ministre espagnol Mariano Rajoy pour rencontrer le président de la Catalogne Carles Puigdemont. Le froid qui règne entre les indépendantistes et le gouvernement espagnol au sujet du référendum non autorisé par Madrid mais prévu par l’exécutif catalan le 1er octobre a fortement crispé les relations.

Le vendredi soir, lendemain des attentats, Mariano Rajoy accompagné de la vice-présidente Soraya Saenz de Santamaria et le ministre de l’Intérieur Zoido arrivent enfin à Barcelone pour organiser une réunion de crise avec leurs homologues catalans. C’est la première collaboration entre les deux institutions après quasiment une journée entière depuis la course folle de la fourgonnette sur la Rambla. Le jeudi soir, les équipes espagnoles se sont réunies à Madrid autour du président Rajoy, tandis qu’à Barcelone, le représentant du gouvernement en Catalogne Enric Millo ne fut pas invité à la conférence de presse commune de Carles Puigdemont et Ada Colau.

La presse espagnole amalgame terrorisme et indépendantisme

Les éditoriaux des grands organes de presses madrilènes, tous opposés à l’indépendance de la Catalogne, n’ont pas fait dans la dentelle après les attentats de Barcelone. Le quotidien libéral El Mundo a écrit un édito au vitriol affirmant « que les autorités catalanes ont mis en place une politique d’accueil qui a fait la part belle aux intérêts électoralistes liés à l’indépendantisme au détriment de la sécurité nationale. »

Le journal conservateur ABC fait dans le même registre : « La Catalogne est le territoire espagnol où il y a le plus de musulmans et où l’on contrôle le moins les djihadistes. Parce que les autorités ont d’autres priorités. Surtout elles vont tenter de les attirer à leur cause indépendantiste, jusqu’à se rendre compte qu’ils ne venaient que pour pratiquer la guerre sainte ». De fait la presse espagnole a été la seule au monde à faire l’amalgame entre un attentat terroriste et les politiques indépendantistes.

Le conseiller à l’Intérieur catalan différencie les victimes espagnoles et catalanes

Le très indépendantiste ministre de l’Intérieur catalan Joaquim Forn a différencié les victimes espagnoles des catalanes lors d’une interview en direct sur la chaîne TV3. En réponse au journaliste qui lui demandait de faire le bilan des attentats, il a parlé comme s’il s’agissait de nationalités différentes.

De son côté, le ministre s’est défendu ce matin sur la radio RAC1 de ne pas avoir voulu « faire de la politique ». Il a ajouté qu’il n’a « voulu offenser personne » et que « ce sont les gens qui lui demandent constamment si les victimes sont des Catalans ou non ».

La question de l’armée espagnole dans les rues

Comme en France avec Vigipirate, l’Espagne dispose de son système d’alerte terroriste placé sur une échelle allant de 1 à 5. Depuis les attentats de Paris, l’alerte en Espagne est située à 4 sur 5. Après l’attaque de Barcelone, le gouvernement espagnol a émis l’hypothèse de relever le seuil d’alerte à son niveau maximal. Un système qui ressemble à l’état d’urgence en France et qui prévoit le déploiement de l’armée dans les rues du pays.

Le président catalan Puigdemont et son ministre de l’intérieur Forn étaient vent debout contre cette mesure. L’exécutif catalan estime que la menace terroriste est sous contrôle, et que le passage au niveau 5 doit être utilisé uniquement en cas de risque imminent. Plus politiquement, le gouvernement catalan ne souhaitait pas voir l’armée dans les rues lors du référendum d’indépendance non autorisé du 1er octobre. Le Premier Ministre Mariano Rajoy aurait déclaré en privé que les militaires dans les rues le jour du référendum pourraient provoquer des malentendus. Quoiqu’il en soit, le gouvernement espagnol a laissé in fine, le niveau d’alerte au niveau 4.

Les réticences des indépendantistes de la Cup

Samedi prochain, le gouvernement de Catalogne et la mairie de Barcelone ont invité l’ensemble de la population à manifester dans les rues de Barcelone en hommage aux victimes. Les indépendantistes de la Cup, qui offrent au gouvernement de Carles Puigdemont une stabilité parlementaire avec leurs dix députés, ont d’abord annoncé qu’ils ne participeraient pas à la manifestation. En cause : la présence du roi d’Espagne Felipe VI et du chef du gouvernement Mariano Rajoy. Fidèle à leur ligne anti-capitaliste, La Cup reproche à l’Etat Espagnol sa participation aux guerres impérialistes qui attisent le terrorisme. Carles Puigdemont a qualifié de « lamentable » cette prise de position.

La maire de Barcelone, Ada Colau, a ensuite annoncé que les autorités politiques ne prendront pas la tête du cortège mais que ce serait la police catalane, les services d’urgences et les commerçants. Après 4 jours de tergiversations, la Cup a finalement annoncé qu’elle participerait au cortège, tout en demandant à être isolée du Roi et du gouvernement espagnol.

Si les maladresses des uns et des autres ont été largement relayées ces derniers jours, pour la politologue catalane Astrid Barrio, les couacs sont restés anecdotiques lors de la gestion de crise : « il y a eu quelques déclarations malheureuses de certains membres de partis politiques ou organisations indépendantistes et anti-indépendantistes […] mais au niveau le plus haut, chacun a fait preuve de respect et de bon sens. »

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