Ce que va faire l’Espagne pour freiner l’indépendance de la Catalogne

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Demain mercredi 6 septembre sera probablement le jour le plus important de l’histoire moderne de l’Espagne. Le parlement catalan va défier frontalement l’État espagnol en convoquant sans son autorisation un référendum d’indépendance le 1er octobre prochain. Focus sur les mesures que pourrait prendre Madrid pour tenter de freiner le processus indépendantiste.

Choc institutionnel sans précédent attendu ce mercredi. Une onde de choc originaire de Barcelone qui touchera Madrid, et selon l’intensité la secousse pourrait se faire sentir jusqu’à Bruxelles. Le parlement de Catalogne, réuni en séance plénière, devrait demain voter sous l’impulsion de la majorité indépendantiste la loi encadrant le référendum non autorisé par Madrid. Dans la foulée, le conseil des ministres catalans devrait se réunir en urgence dans l’enceinte même du parlement pour signer la convocation du référendum. La journée de demain sera relativement compliquée pour les deux exécutifs qui opèrent dans un certain secret afin de prendre de court la partie adverse.

Pour présenter son texte, la majorité indépendantiste devrait utiliser la procédure d’urgence permettant d’adopter la loi sans aucun débat parlementaire ni possibilité pour l’opposition de l’amender. Concrètement, c’est la présidente du parlement la nationaliste Carme Forcadell qui devra bouleverser demain matin l’ordre du jour de la session parlementaire afin qu’il soit voté en séance publique. A partir de ce moment, et dans une réponse quasiment instantanée, le gouvernement espagnol sera susceptible d’appliquer toute une batterie de mesures afin de mettre en échec les plans séparatistes. Zoom sur les possibles réactions de l’État espagnol.

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Suspension de la loi encadrant le référendum : Possibilité 100 %

C’est la seule certitude que nous avons dans la suite d’événements qui auront lieu demain, le texte encadrant le référendum sera immédiatement suspendu par le tribunal constitutionnel. La demande sera faite auprès du tribunal par le gouvernement espagnol lors d’un conseil des ministres extraordinaire qui aura lieu après le scrutin parlementaire à Barcelone. Le gouvernement a déjà rempli les dossiers administratifs, et le premier ministre Mariano Rajoy s’est vanté de pouvoir faire suspendre la loi catalane en cinq minutes.

Seul un changement de stratégie des indépendantistes ralentirait la réponse espagnole. Si la loi était présentée via un décret du président catalan Puigdemont, le gouvernement devrait demander un avis du conseil d’État avant de saisir le tribunal constitutionnel. Au final, environ 24 heures plus tard, le décret présidentiel serait lui aussi rendu invalide. Le camp indépendantiste a affirmé à moultes reprises qu’il ne renoncerait pas à organiser le référendum du 1er octobre, même si la loi est suspendue par l’Espagne. La fête nationale de Catalogne, la Diada, qui aura lieu lundi prochain sera un test grandeur nature pour le gouvernement de Catalogne qui espère que des centaines de milliers de personnes descendront dans la rue pour soutenir le référendum. Selon un sondage paru ce jour par l’institut SocioMétrica pour le pure player El Español, 50% des Catalans se rendraient aux urnes le 1er octobre prochain et le oui l’emporterait à 72%.

Face aux obstructions de Madrid, l’organisation du scrutin reste compliquée pour le gouvernement catalan. A ce jour, la Generalitat se serait procuré 6000 urnes sur les 8000 nécessaires. L’exécutif catalan doit aussi récupérer les listes électorales et réussir à ouvrir les bureaux de vote dans les écoles. A priori sur ces deux derniers thèmes, le gouvernement catalan pourra compter sur l’aide de la maire de Barcelone Ada Colau.

Suspension de l’autonomie catalane : Possibilité 10 %

Le parlement de Catalogne étant rentré en sédition, le gouvernement espagnol pourra suspendre partiellement ou intégralement les compétences de la Generalitat. Sur le papier l’Espagne peut prendre le contrôle de la présidence de la Catalogne, du ministère de l’intérieur ou de toutes institutions avec pour objectif d’empêcher la tenue du référendum. Une mesure lourde à mettre en place qui doit passer par le Sénat. Le contrôle de force de l’autonomie peut aussi être rendu légale par la loi de la sécurité intérieure ou par une déclaration d’État d’urgence.

Si la droite de la droite espagnole réclame l’application à corps et à cris de ces mesures radicales, en étant soutenue par une bonne partie de la presse madrilène, il est peu probable que le premier ministre Mariano Rajoy passe à l’acte. Ce n’est pas l’option rêvée à Bruxelles, qui préférerait une négociation avec la Catalogne, et surtout Mariano Rajoy pourrait se retrouver politiquement isolé. Son Partido Popular gouverne depuis les dernières législatives en minorité et a besoin d’alliés. Les nationalistes basques lui sont devenus indispensables pour maintenir une stabilité parlementaire. Or, le Parti Nationaliste Basque a déjà averti qu’en cas de mesures extrêmes contre la Catalogne, il lâcherait Mariano Rajoy. Le président de l’Espagne devrait donc la jouer fine.

Suspension du président catalan C.Puigdemont : Possibilité 25%

Même si des sources proches du gouvernement affirmaient dans la presse en début de semaine que Mariano Rajoy chercherait à toucher les personnes plus que les institutions, la suspension du président de la Catalogne reste relativement peu probable. On ne peut rien affirmer quant aux plans de l’exécutif, surtout que depuis la réforme du tribunal constitutionnel de 2016,cette institution peut suspendre d’une manière expresse un dirigeant qui viole délibérément les lois espagnoles.

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Cependant, la suspension de Carles Puigdemont le convertirait rapidement en martyr de la cause. Les indépendantistes pourraient, avec le soutien populaire, occuper physiquement le parlement de Catalogne et autres points névralgiques en signe de protestation. Pour autant le référendum serait maintenu. Donc la suspension de Carles Puigdemont semble compliquée pour le gouvernement espagnol.

Suspension de la présidente du parlement C. Forcadell : Possibilité 25%

Selon nos confrères du pure player El Nacional, le tribunal constitutionnel pourrait suspendre demain matin à la première heure la présidente du parlement catalan Carme Forcadell. Ce coup de théâtre, qui serait rendu possible par les procédures judiciaires déjà ouvertes contre Forcadell, aurait pour objectif d’empêcher le parlement de se réunir et donc d’approuver les lois. Un coup de poker qui serait tout autant risqué pour l’Espagne car il impliquerait les mêmes conséquences que la suspension du président Puigdemont.

Un statut-quo : Possibilité 75 %

Une fois la loi référendaire suspendue par le tribunal constitutionnel, le président Rajoy pourrait tout simplement ne rien faire. Le scrutin du 1er octobre aurait lieu sans l’autorisation de l’Espagne. Le premier ministre pourrait clamer que ce vote est illégal et que même si les urnes sont sorties, le résultat ne sera pas valide et appellera au boycott de l’élection, en signalant qu’aucun pays dans le monde ne prend au sérieux ce référendum. Les responsables politiques seraient probablement jugés quelques mois après le référendum et recevraient de lourdes amendes et des peines d’inéligibilité. Au vu de la manière de gouverner de Mariano Rajoy ces six dernières années, cela reste l’hypothèse la plus plausible.

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