Les pires excuses que l’on sort aux démarcheurs à Barcelone

Postés Plaça Catalunya, avenue Gaudí ou Rambla Catalunya, les démarcheurs de rue essaient tant bien que mal de récolter des dons pour l’ONG qu’ils représentent. Leur quotidien est rythmé par des situations insolites et excuses surprenantes.

Photos:LS/Equinox

« Un membre de ma famille vient de mourir, je dois y aller », c’est ce qu’a entendu Yvan lorsqu’il a tenté d’arrêter un passant dans la rue il y a quelques semaines. Le jeune homme de 24 ans travaille pour Action contre la Faim depuis le mois d’octobre. Du lundi au vendredi et durant quatre heures par jour, il aborde les piétons qui croisent sa route avec des phrases du type: “Bonjour avez-vous une minute?”, “Bonjour c’est pour vous présenter …”. Il suffit de l’observer devant la Fnac Plaça Catalunya, pour comprendre qu’il doit essuyer beaucoup d’échecs avant qu’une personne accepte de s’arrêter pour l’écouter.

Pour éviter de répondre, il n’est pas rare que les passants changent de trottoir. Armés d’un bloc-notes et d’une veste affichant le logo de leur ONG, les démarcheurs de rue ont beaucoup de patience. Tous ceux que nous avons interrogé à Barcelone affirment que les personnes utilisent les mêmes excuses: « je suis pressé », « je dois aller chercher mes enfants à l’école ». D’autres variantes sont aussi souvent utilisées « j’ai un train à prendre » ou encore « j’ai rendez-vous chez le médecin ». Sergio, responsable d’équipe au sein d’UNICEF depuis 5 ans nous confie: « nous sommes réalistes, nous savons que les réponses qu’on nous donne sont bel et bien des excuses que les gens inventent pour ne pas s’arrêter. »

Pour avoir plus de chances, on nous explique que les démarcheurs sont répartis en plusieurs groupes à des axes très fréquentés de Barcelone. La procédure est la même: le recruteur de donateurs commence par présenter son association, les différentes actions et termine en demandant si la personne est sensible à ce sujet ou non, dans le but qu’elle accepte de faire un don. L’échange dure souvent quelques minutes.  

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« Je vais vous dénoncer »

Oscar, 44 ans, travaille depuis deux ans pour Oxfam. Originaire de Tolède, il a trouvé cet emploi tout d’abord par intérêt financier, mais il a fini par apprécier son travail. « Nous faisons face tous les jours à l’indifférence, les gens sont fatigués de croiser notre route, on sent une véritable lassitude. Mais ça ne m’atteint pas, je peux comprendre. » Quand certains daignent répondre, ils savent surprendre. Des excuses originales, Oscar en a entendu: « j’ai un sac rempli de produits surgelés, je ne peux pas m’arrêter » ou dans un autre registre « vous savez en ce moment je ne suis pas très bien, je n’ai pas eu de relations sexuelles depuis un mois ».

Le travailleur rit en repensant à ses différentes anecdotes. « Ce ne sont pas les situations insolites qui manquent. Une fois on nous a confondu avec le parti politique Podemos, en raison de notre veste violette. La personne n’avait pas l’air d’apprécier que des militants soient dans les rues (…). Une personne âgée a également menacé de nous dénoncer, car sous Franco le démarchage était interdit. Il a fallu prendre quelques minutes pour lui expliquer que les choses avaient changé. »

« Une fois, pas deux »

« Souvent des personnes me disent « j’ai déjà collaboré », comme si il était interdit de faire plusieurs dons » nous raconte Aïssa, 18 ans. Sensibiliser un passant à une cause n’est pas une mince affaire, surtout quand il ne se sent pas concerné. « Le gouvernement devrait payer » est également une excuse que la jeune fille a entendu. Mais elle ne se laisse pas démotiver, au contraire. Aïssa a rejoint l’équipe d’Action contre la Faim il y a quelques jours: « je suis ravie de faire un travail dont l’objectif est d’aider les autres ». Elle a passé quatre entretiens au total où la motivation et l’énergie des futurs démarcheurs est mise à l’épreuve. Elle gagne 600 euros par mois pour 25 heures de travail par semaine. Les travailleurs reçoivent des commissions à partir du 21e donateur trouvé dans le mois.

Sergio, notre responsable d’équipe chez UNICEF, explique que les démarcheurs sont formés avant d’être envoyés sur le terrain. IIs reçoivent une formation psychologique pour être prêts à affronter les passants. Pour Yvan, ce travail n’est pas si terrible, il lui permet de gagner de l’argent en attendant de pouvoir s’inscrire en master dans quelques mois. « Tout le monde nous plaint, en disant qu’on passe des heures et des heures dans les rues et qu’on nous insulte. Ce n’est pas agréable d’entendre des phrases comme « dégage de mon chemin » mais on s’y fait » conclut le jeune homme.

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