Trois présidents symboliques pour la Catalogne: le scénario des indépendantistes

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L’indépendantisme est coupé en deux entre les amis de Carles Puigdemont et la gauche républicaine. Du haut de leurs ambitions, les partis n’arrivent pas à se mettre d’accord pour former un gouvernement. L’article 155 reste en vigueur.

948 233 voix et 34 députés pour Carles Puigdemont, 935 861 voix et 32 députés pour Oriol Junqueras et la gauche républicaine. Ce résultat des élections parlementaires catalanes du 21 décembre conditionne la formation du prochain gouvernement de Catalogne qui doit voir le jour, sans succès depuis deux mois. L’exil de Carles Puigdemont, l’emprisonnement d’Oriol Junqueras et le très faible écart de voix (12 372) entre les deux familles de l’indépendantisme rendent les négociations très compliquées.

Depuis les années 80, le centre droit indépendantiste, dont est issu Carles Puigdemont, et la gauche républicaine se détestent. Même si les deux mouvances se sont unies en 2015 pour diriger la Catalogne, et qu’elles sont condamnées à renouveler l’expérience pour former un gouvernement, chaque parti veut avoir le dessus sur l’autre. Malgré des jours et des nuits de négociations entre les deux équipes, les indépendantistes aujourd’hui sont dans un sable mouvant avec l’article 155 de la Constitution espagnole qui asphyxie l’autonomie politique de la Catalogne. Des séries de décisions sont bloquées, en attente d’avoir des ministres catalans qui pourraient faire avancer des dossiers cruciaux dans le domaine de la santé, des hôpitaux et des services publics en général. Quatre axes majeurs bloquent aujourd’hui l’investiture du prochain président et la formation du gouvernement.

La présidence de Puigdemont

Le premier point de blocage est la situation personnelle de Carles Puigdemont. Sa campagne électorale était basée sur un retour en Catalogne après les élections de manière à se faire investir président, quitte à aller en prison. Carles Puigdemont, malgré sa victoire électorale, ne s’est pas présenté au Parlement catalan le jour de son investiture. Le président du Parlement catalan (du parti ERC) a suspendu de fait les débats d’investiture. A la grande fureur de Puigdemont, qui voulait que le Parlement désobéisse à l’État espagnol, en votant pour sa personne malgré sa résidence permanente à Bruxelles. ERC qui ne veut plus que « de nouveaux martyrs » partent en prison, refuse de désobéir aux lois espagnoles en forçant une investiture de Puigdemont. Ce dernier cherche donc la formule, impossible, visant à lui conférer les pouvoirs du président de la Catalogne sans être investi par le Parlement et en vivant à Bruxelles. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le fragile accord réside dans le fait que Puigdemont soit le président de la République catalane. Une fondation privée serait créée à Bruxelles pour articuler ce concept original. Puigdemont tenterait de garder le contrôle sur le gouvernement catalan depuis la hauteur de sa fonction symbolique qui ne serait pas votée par le Parlement catalan.

Le rôle de Jordi Sànchez

Si Puigdemont devient président symbolique de la Catalogne, il n’y aura toujours pas de gouvernement car le Parlement n’aura rien voté. Le plan de Puigdemont, pour tendre la situation au maximum avec l’Espagne, est de mettre le focus sur Jordi Sànchez.

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Carles Puigdemont et Jordi Sànchez 

Le président de l‘association indépendantiste ANC est en prison depuis le mois d’octobre pour son rôle lors du référendum. Il a cependant été élu député, numéro deux sur la liste de Puigdemont. Si l’homme de Bruxelles, accepte de retirer son désir d’être voté par le Parlement catalan, il exige en échange l’investiture de Jordi Sànchez. Le but est de mettre dans les cordes la justice espagnole qui devrait statuer sur une libération provisoire de Sànchez pour qu’il se rende au parlement, lors d’un débat d’investiture, puis qu’il retourne en prison. Il deviendrait un président de la Catalogne en fonction et incarcéré. Les amis de Puigdemont souhaitent ainsi avoir une forte couverture médiatique, internationale de préférence.

Le retour d’Oriol Junqueras

ERC, qui regarde d’un mauvais oeil ce scénario ne mettant en avant que le camp Puigdemont, fait remarquer à juste titre que Sànchez ne pourra pas gouverner la Catalogne depuis la prison. Devant deux présidences symboliques, Puigdemont à Bruxelles et Sànchez en prison, ERC veut être aussi sur la photo. C’est ici que la gauche veut voir réapparaître Oriol Junqueras. Le leader d’ERC et ancien vice-président est également en prison depuis novembre. La gauche souhaite que Junqueras redevienne vice-président. Si le président est empêché, ce qui serait le cas si Sànchez est en prison, le statut de la Catalogne prévoit que le vice-président devienne président. Une troisième investiture aurait donc lieu, cette fois-ci avec Junqueras qui sort de prison pour devenir président après un discours au Parlement et qui regagne ensuite sa cellule de la prison madrilène.

Le gouvernance réelle

Les amis de Puigdemont ne veulent pas entendre parler du retour de Junqueras. Après les investitures symboliques, le parti de Puigdemont veut, enfin, une personnalité qui dirige concrètement les affaires courantes de la Catalogne et prenne les décisions nécessaires pour que l’article 155 de la Constitution soit levé. Une sorte de premier ministre, que la Constitution espagnole autorise, serait nommé et gouvernerait la Catalogne sous l’ombre pesante de Puigdemont. La tâche incomberait à Jordi Turull, ancien porte-parole de l’ancien gouvernement et fidèle de Puigdemont. Le parti ERC ne veut pas.

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Jordi Turull

La gauche objecte que si Puigdemont est président symbolique depuis Bruxelles, Sànchez devient président depuis la prison, et que le premier ministre est un proche du parti de Puigdemont, le rapport de force est déséquilibré. La gauche rappelle que seuls 10 000 suffrages séparent les deux camps et la répartition des pouvoirs doit être de 50% pour chaque famille. ERC fait un casus belli pour récupérer des compétences qui appartenaient au parti de Puigdemont lors de la précédente législature. La direction des médias publics et la gestion des subventions des médias privés sont réclamées par ERC, ce que Puigdemont refuse. Ce dernier voudrait prendre la main sur le ministère de l’Economie que dirigeait Junqueras entre 2015 et 2017. La suppression du ministère des Affaires étrangères, pour laisser toute la lumière à Puigdemont à l’international, est aussi une pomme de discorde. En revanche, aucun des deux partis ne veut diriger le ministère de l’Intérieur et les Mossos d’Esquadra. Un poste à haut risque face à la répression judiciaire de l’État espagnol.

Les délais

Normalement, le délai pour terminer les négociations est de deux mois à partir d’un débat d’investiture qui n’a pas débouché sur un vote positif du Parlement. Cependant, le vote n’a pas eu lieu lors du débat avorté puisque Puigdemont ne s’est pas présenté. Le camp unioniste, avec à sa tête Inés Arrimadas, envisage de se présenter à l’investiture la semaine prochaine afin de débloquer l’horloge constitutionnelle et de faire courir le délai. Les indépendantistes auraient alors jusqu’à début mai pour se mettre d’accord. En cas contraire, de nouvelles élections auraient automatiquement lieu. Un scénario qui ne fait pas peur à Puigdemont selon son entourage.

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