Chronique de Catalogne : un intellectuel au Palau de la Generalitat

L’écrivain catalan Andreu Claret écrit depuis des mois ses « chroniques de Catalogne » qui décortiquent sous une fine plume la politique catalane . Désormais, Equinox  publiera les meilleures feuilles.

Le trait de caractère le plus saillant de Quim Torra n’est pas d’être un indépendantiste convaincu. Puidgemont l’était aussi. Pas plus que la troublante radicalité de son discours d’investiture. Nous sommes guéris de la peur. La vraie nouveauté est sa condition d’intellectuel. Torra est un homme cultivé qui use de la formule avec l’impertinence implacable de l’idéologue qu’il est devenu au fil des années.

Comme pour tout intellectuel qui se respecte, premièrement viennent les idées, et le reste viendra par la suite. Il n’est pas de ceux qui montent à la tribune à la recherche de consensus ou de compromis, comme le font la plupart des politiciens, aussi impétueux soient-ils. Oint par la légitimité venue de Puidgemont et protégé par l’urgence de former un gouvernement, il est venu pour défendre son idée de la Catalogne. Un concept sur lequel il cogitait depuis longtemps. Quelle opportunité! Après des années d’écriture sur la patrie pour des cénacles de fidèles, le grand jour est enfin arrivé. Le rêve que très peu d’intellectuels atteignent. La possibilité que leurs idées s’incarnent dans un projet politique. Une République née de sa tête, comme si c’était celle de Zeus. C’est une république pour la moitié des Catalans, mais cela importe peu. Tout dans Torra respire cette condition d’intellectuel. Et ce que retient l’intellectuel, ce sont les concepts, pas tant leur viabilité.

D’où sa détermination et son manque de sensibilité envers ceux qui se sentent expulsés vers les ténèbres. Cela explique aussi ses tweets. Ce ne sont pas ceux d’un politicien précipité, comme peut l’être Rufian. Ce sont ceux d’un homme sévère, profondément chrétien, qui pense avant d’écrire et qui le fait dans la solitude de sa foi, sans être emporté par l’agitation des adeptes. Quim Torra est un scientifique des idées qui a passé des années dans son laboratoire et qui, maintenant, enfin, est sur le point de nous montrer l’univers qu’il a ébauché en se plongeant dans les années 30.

Ceci explique aussi que, quand quelqu’un débat sur les attributs de la nouvelle créature ou sur l’opportunité de l’exercice, il préfère le dédain calme de ceux qui se croient supérieurs au bruit des politiciens. Les intellectuels sont aussi utiles à la société que discutables dans l’exercice du pouvoir. C’est pourquoi aucun d’entre eux n’a jamais atteint la présidence de la Generalitat (Pujol était autre chose, un politicien érudit). Les politiciens ont des défauts, mais que Dieu nous délivre des intellectuels prêts à s’attaquer au ciel. Et encore plus dans des circonstances aussi dramatiques que celles que vit la Catalogne.

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