Les indépendantistes basques remportent une victoire historique, pendant que la Catalogne n’a pas de gouvernement

L’intelligence politique des indépendantistes basques leur permet de remporter une victoire importante avec l’approbation des budgets de l’Etat espagnol qui leur est largement favorable. Analyse.

PNV, trois lettres qui valent trois milliards d’euros. Le Partido National Vasco (PNV), les indépendantistes très modérés du Pays Basque ont permis d’adopter le budget général de l’Etat espagnol et ont ainsi sauvé le futur politique de Mariano Rajoy. Les conservateurs du Partido Popular (PP) au pouvoir ne possèdent pas la majorité au parlement espagnol. Pour faire adopter le budget 2018, une coalition hétéroclite a été montée : les parlementaires du PP, ceux de Ciutadans, un divers gauche, deux élus de l’île des Canaries et les cinq députés basques indépendantistes. Ces derniers, qui ont négocié pendant des mois, ont décroché le pactole. Le gouvernement de Vitoria va récupérer 1,2 milliard du coupon (un avantage concédé par la Constitution espagnole de 1978 au Pays Basque) de 2017 et 1,8 milliard pour l’année 2018. Auxquels s’ajoute une pléiade de nouveaux financements qui vont de terminaux d’aéroports et de lignes TGV à la rénovation de plages en passant par l’ouverture de nouveaux centres de recherche scientifique.

Aussi, le résultat des négociations du PNV est avantageux pour l’ensemble de la nation. De profil plus centriste que la droite du PP, le Partido National Vasco a obtenu une augmentation de 1.6% des retraites dans l’ensemble du pays. 14 millions de personnes, dont fonctionnaires, étudiants, citoyens touchant les minimaux sociaux et policiers recevront des améliorations financières après le vote de ce budget.

Le budget a été approuvé de justesse : 176 pour et 171 contre. C’est dire si les 5 « oui » du PNV ont valu de l’or. Un soutien des nationalistes basques qui en plein conflit entre Mariano Rajoy avec la Catalogne fait grincer des dents à Barcelone. D’autant plus que le PNV avait juré qu’il ne voterait pas le budget si l’article 155 de la constitution qui suspend l’autonomie politique de la Catalogne était encore en vigueur.

Pourtant, hier, le PNV a mêlé ses voix à celles du PP considérant que si le 155 est en vigueur c’est dû à la mauvaise volonté de Quim Torra, qui s’acharne à vouloir nommer ministres des personnes qui ne pourront pas exercer leur charge car elles sont incarcérées ou en exil. « Nous n’aurions pas perdu une minute pour récupérer nos institutions » dit-on au PNV.

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De fait, les indépendantistes catalans se retrouvent un peu plus isolés sur l’échiquier politique espagnol. Condamnés par le PP, les socialistes, Ciutadans, les régionalistes des Canaries, les souverainistes catalans peuvent uniquement trouver un peu de réconfort très timide chez Podemos.

Trahison

Les indépendantistes modérés basques ont-ils trahi les séparatistes catalans? La réponse est formellement non. Le PNV a averti Carles Puigdemont depuis septembre 2017 que la déclaration d’indépendance unilatérale était un geste radical et qu’il ne serait pas soutenu par le gouvernement basque. Le président d’Euskadi Iñigo Urkullu a tenté sans succès pendant de longues semaines une double négociation : que Carles Puigdemont ne déclare pas l’indépendance et que Mariano Rajoy n’applique pas l’article 155.  Le PNV a tenté de modérer la politique catalano-espagnole, même si le résultat est décevant, le parti basque a fait sa part et ne peut-être tenu comptable de la dégénération du conflit.

Ensuite le calcul politique du PNV est simple : ne pas voter les budgets, c’est faire tomber le gouvernement Rajoy, provoquer des législatives anticipées et donner le pouvoir à Ciutadans en hausse dans les sondages. Le parti d’Albert Rivera a promis de passer au bulldozer les compétences politiques des autonomies  historiques que sont le Pays Basque, Navarre et la Catalogne. Une pure folie pour le PNV qui veut barrer la route à Ciutadans et préfère que les prochaines législatives aient lieu en décembre 2019 comme le prévoit le calendrier électoral.

Suicide

Le panorama politique basque actuel ressemble à celui qui existait en Catalogne jusqu’en 2015. Une force politique indépendantiste ultra-modérée bourgeoise : la CiU de l’ancien président Artur Mas en Catalogne était le cousin politique du PNV. L’extrême-gauche séparatiste s’appelle la Cup en Catalogne et Bildu au Pays-Basque. Frappée par la crise économique, les coupes budgétaires, Artur Mas et sa CiU bourgeoise ont tenté une alliance contre nature avec les anti-capitalistes révolutionnaires de la Cup au nom de l’indépendance. Une stratégie politique folle aux yeux du PNV qui a plusieurs fois déclaré qu’Artur Mas était le contre-exemple à ne pas suivre.  Le cordon sanitaire doit continuer à séparer le centre-droit du PNB de l’extrême-gauche de Bildu. D’ailleurs les stratèges basques font remarquer que leur électorat plutôt bourgeois souhaitait que les budgets soient votés pour en récupérer les bénéfices, tandis que Bildu souhaitait créer le clash avec le gouvernement espagnol.

La stratégie du PNV, d’offrir leurs votes en échanges d’avantages pour la région, est ce que le parti d’Artur Mas, la CiU, a fait entre 1981 et 2011. C’est grâce à ce principe que le président catalan Jordi Pujol a pu réussir à récupérer au fil des années les compétences de la Police avec les Mossos d’Esquadra, la gestion de la santé publique, de l’éducation et du développement de l’usage du catalan. Des compétences qui ont d’ailleurs permis à Carles Puigdemont d’avoir les outils administratifs pour organiser le référendum du 1er octobre. Si le parti CiU n’avait négocié aucune compétence entre 1981 et 2011, jamais le gouvernement catalan n’aurait eu techniquement les moyens de monter un référendum.

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Le Partido Nacional Vasco, qui existe depuis 1895, a traversé deux guerres mondiales, une guerre civile, deux dictatures et reste aujourd’hui indépendantiste. Sa stratégie se calcule sur le long terme. Accumuler le plus de compétences possibles afin de créer des structures administratives autonomes très puissantes, qui le jour opportun serviront pour convertir Euskadi en un état indépendant.

Pendant que la Catalogne n’a plus de gouvernement depuis 8 mois,  le Pays basque renforce ses infrastructures. Pendant que l’extrême-gauche de Bildu n’a jamais accédé aux cercles de pouvoir basque, la Cup rythme le processus indépendantiste depuis 2015. Pendant que le parti le plus anti-indépendantiste d’Espagne Ciutadans compte 37 parlementaires en Catalogne, il n’a jamais pu faire élire un seul député au parlement basque.

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