Trop de croisières, trop de voitures: Barcelone étouffe sous la pollution

medecin français à Barcelone

Entre son port de croisières et une densité de voitures hors normes, Barcelone bat tous les records de pollution atmosphérique.

Photos et infographie: Lluis Bassa

Barcelone est une des villes les plus touristiques d’Europe. Son climat et sa richesse culturelle lui ont permis d’être la ville avec le port de croisières le plus important d’Europe et le quatrième du monde. L’année 2018, le port battait son propre record en recevant près de quatre million et demi de passagers, 12% de plus qu’en 2017. Mais ce tourisme massif comporte des conséquences écologiques: selon une étude publié par l’ONG Transport Environment début juin, les 105 paquebots de croisières qui ont accosté au port de Barcelone en 2017 ont également relâché 32,8 tonnes d’oxyde de soufre dans la ville.

Un chiffre qui place Barcelone à la tête des villes européennes les plus affectées par la pollution des paquebots de croisières, suivie par Palma de Majorque. L’Espagne est donc le pays européen le plus pollué par ces embarcations, devant l’Italie, la Grèce puis la France avec le port de Marseille en 8e position européenne.

L’étude propose la création dans toute l’Europe de Zones d’Émissions Contrôlées (ECA en anglais). La mer baltique ou la mer du Nord l’ont déjà instaurée, mais elles n’existent pas en mer Méditerranée. En décembre 2018, la mairie de Barcelone a signé un manifeste pour réclamer au gouvernement espagnol d’en créer une, sans résultat. Elle a aussi refusé la construction d’une nouveau terminal de navires de croisières, malgré la volonté de la Catalogne et du Port lui-même d’étendre la zone d’accueil des paquebots.

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« Les bateaux utilisent un combustible interdit sur la terre ferme, mais il est permis dans les ports. Et ce carburant a un grand contenu de soufre, ce qui veut dire qu’il est très toxique » explique Maria Garcia du groupe activiste Écologistes en Action.

Trois fois plus de voiture qu’à Londres

Mais le port n’est responsable que de 40% de la pollution subie par les Barcelonais. 50% provient de la circulation, particulièrement celle des véhicules privés, et 10% vient des émissions des usines. Selon une étude de la mairie, Barcelone est une des villes européennes avec une densité de circulation des plus hautes d’Europe, avec presque 6.000 véhicules par km2. C’est deux fois plus qu’à Madrid et trois fois plus qu’à Londres. Et alors que seuls 24% des déplacements dans la ville s’effectuent en transports privés, ils occupent un espace beaucoup plus grand que celui réservé aux transports publics.

« La ville a été pensée pour privilégier les transports privés, et les autres moyens de transport en dépendent » explique l’activiste d’Écologistes en Action. Selon Garcia, le bus et le métro en sont des exemples clairs. « On a un bon système de bus, mais avec la vitesse la plus basse d’Europe. C’est parce que les voies sont étroites, et les bus doivent souvent les partager avec les voitures » souligne-t-elle.

La mairie a déjà délimité une Zone de Basses Émissions (ZBE), mesure déjà mise en place dans d’autres villes en Europe. Actuellement, elle interdit le passage aux voitures plus polluantes uniquement les jours des pics de pollution. Mais dès le 1er janvier 2020, la zone qui comprend Barcelone et quatre communes limitrophes sera complètement interdite aux véhicules très polluants du lundi au vendredi de 7h à 21h. La restriction sera progressive jusqu’en 2024, en élevant chaque année les critères de restriction par rapport à la nocivité du véhicule.

La municipalité a également augmenté le nombre des pistes cyclables et construit davantage de zones piétonnes dans les quartiers. Mais pour l’activiste d’Écologistes en Action, ces mesures sont insuffisantes. « Il faudrait réduire les voitures d’au moins 50% pour protéger notre santé » explique-t-elle.

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« Les chiffres de la pollution à Barcelone dépassent chaque jour les limites légales de l’Union Européenne et de l’Organisation Mondiale de la Santé, avertit Jordi Sunyer, chef du programme de Santé Infantile de l’Institut de Santé Globale (ISG), il faut combiner les mesures collectives avec les mesures individuelles ». Le chercheur a récemment publié une étude alarmante démontrant que les enfants scolarisés dans les quartiers les plus pollués de la ville avaient un développement cognitif plus lent que les autres. « Cela affecte notre cerveau » prévient Jordi Sunyer qui, lui aussi, trouve les pouvoirs publics bien trop lents et timides.

La semaine dernière, la mairie de Barcelone a proposé la création d’une table ronde avec la Catalogne et l’Etat espagnol en vue de prendre de nouvelles mesures contre la pollution et l’urgence climatique. Sans en détailler les objectifs à court terme.

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