Josep Tarradellas: le président qui restaura le gouvernement de Catalogne

indépendance de la Catalogne

Equinox publie tout l’été sa grande collection: les présidents de la Catalogne moderne. De Francesc Macià en 1932 à Quim Torra en 2019, retour sur les grandes figures dirigeantes du territoire catalan. 

Ciutadans de Catalunya, ja sóc aquí (Citoyens de la Catalogne, je suis là). Ces premiers mots que prononça le président Josep Tarradellas en 1977, de retour à Barcelone après quatre décennies d’exil conséquences de la dictature franquiste en Espagne, sont entrés dans l’histoire de la Catalogne.

Issu d’une famille de paysans dans un village proche de Barcelone, Josep Tarradellas s’intéresse à la politique depuis sa jeunesse. Il déménage dans la capitale catalane avec sa famille quand il n’a que quinze ans. Après avoir milité dans des partis catalanistes, il participa à la fondation d’Esquerra Republicana de Catalunya (ERC), la gauche républicaine qui codirige aujourd’hui la Catalogne.

1931: Proclamation de la République espagnole… et catalane

En 1931, ERC remporte les élections municipales sur l’ensemble du territoire catalan. Son président Francesc Macià, profitant de la ferveur républicaine en Espagne, proclama la République catalane indépendante au sein d’une Fédération Ibérique. Quelques heures plus tard, Madrid officialisa la seconde République espagnole. Mais la séparation des États catalan et espagnol ne durera que quelques jours. Les représentants des deux gouvernements parviennent à un accord: l’État catalan maintient ses relations avec le gouvernement central espagnol, et ne sera pas indépendant.

En décembre 1931, Josep Tarradellas devint ministre catalan et député espagnol républicain à Madrid. Il reste ministre catalan pendant la guerre civile espagnole (1936-1939), sous la présidence de Lluís Companys. Lorsque la guerre prend fin et laisse place à la dictature, il s’exile en France, à Saint-Martin-le-Beau. Après être resté en Suisse pendant l’occupation nazie française, il retourne en France avant se s’envoler vers le Mexique avec le gouvernement en exil. En 1954, suite à la mort du président catalan exilé Josep Irla, il devient son successeur, toujours en étant au Mexique.

Le gardien de la « flamme catalane »

Josep Tarradellas était une figure clé du gouvernement catalan pendant l’exil. En plusieurs occasions, il fut l’une des seules personnes à maintenir et faire avancer l’espoir du projet républicain catalan. Lors de l’été 1965, pendant son exil à Saint-Martin-le-Beau, il reçoit un appel du directeur de la succursale de la Société Générale de Tours, l’informant qu’un liquide étrange s’écoule d’un coffre-fort qu’il a loué au sein de la banque. Quand il l’ouvre, avec l’aide du directeur et de cinq employés, le mystère fut résolu: l’urne contenant le coeur embaumé de l’ancien président Francesc Macià, s’était rompue.

A la mort de Francesc Macià en 1933, ses hommes de confiance ont conservé son coeur au sein du Palau de la Generalitat, pour « garder la flamme catalane ». Pendant la guerre civile, Josep Tarradellas a reçu la mission de conserver le coeur de Maciá avec lui. L’urne fit le voyage avec lui une fois en exil. Lors de son retour en Catalogne en 1979, le coeur fut restitué à la famille Macià.

Josep Tarradellas dans la politique actuelle

En 1977, après la mort de Franco, Josep Tarradellas rentre à Barcelone. Sa présence symbolise la restauration du gouvernement de la Generalitat. Il rencontre officiellement le Premier ministre de l’époque, Adolfo Suárez, pour abroger la loi franquiste de 1938 qui avait décapité la Generalitat.

Josep Tarradellas president de la Catalogne

Bien que Josep Tarradellas ne se soit jamais défini comme un autonomiste, il n’a pas sauté le pas vers le séparatisme. Il a toujours gardé la volonté de maintenir des liens avec le gouvernement central de Madrid.

La figure de l’ancien président est plus utilisée par les catalanistes plus que par les indépendantistes. Tour à tour, les socialistes et même les conservateurs espagnols ne tarirent pas d’éloge sur un président catalan qui a rencontré un Premier ministre espagnol pour signer un grand pacte d’État en rétablissant la Generalitat, mais au sein de l’État espagnol. En revanche, les indépendantistes les plus musclés ne sont pas à l’aise avec l’héritage Tarradellas.

D’ailleurs en 2017, la commémoration des quarante ans du retour de Josep Tarradellas en Catalogne, s’est déroulée durant la période de la déclaration d’indépendance. Hasard du calendrier qui fut passé quasiment sous silence par le gouvernement Puigdemont. Tarradellas ne gouverna jamais la Catalogne, malgré les appels du pied d’ERC pour être son candidat. Il voulait être le candidat d’une grande liste unitaire souverainiste. Ce que lui refusera le nationaliste de centre droit Jordi Pujol qui deviendra le nouveau président après avoir gagné les élections catalanes en 1980.

En mars dernier, le gouvernement socialiste espagnol a décidé de nommer l’aéroport de Barcelone-El Prat du nom du président Josep Tarradellas. Un hommage, mais aussi une stratégie politique pour tenter de se réconcilier avec une société catalane post-déclaration d’indépendance.

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