Catalogne : l’impossible interdiction du voile islamique

Cachez ce voile que je ne saurais voir. Le débat pour ou contre l’interdiction du port de cette tenue islamique agite à la fois le débat public catalan et français. Deux territoires qui accueillent une importante communauté musulmane.

Sécurité, laïcité, égalité. C’est par ce triptyque que les confrontations sur le port du voile ont agité, en premier lieu, les mairies catalanes. Des territoires comme Lleida à l’ouest ou à Manresa au nord abritent environ 10 % de leur population se réclamant de la religion musulmane. De fait, les tenues religieuses apparaissent dans les piscines, les terrains de sport, les écoles et les services publics. Les maires, majoritairement indépendantistes catalans, ont demandé à leur parti d’ouvrir le débat sur l’autorisation de ces vêtements. Un dossier qui possède des frontières juridiques étroites. En 2013, le Tribunal Suprême espagnol avait annulé une ordonnance de la mairie de Lleida qui interdisait le port du voile dans les édifices municipaux. La haute cour espagnole a justifié sa sentence du fait qu’une mairie n’a pas les compétences juridiques pour restreindre une liberté individuelle.

La semaine dernière, à l’initiative du parti indépendantiste d’extrême droite Aliança Catalana, le Parlement a dû se positionner sur une motion portant sur une stricte interdiction du voile sur l’ensemble de la voie publique. Junts, le parti nationaliste catalan de Carles Puigdemont, est gêné aux entournures. C’est en son sein que les maires ont demandé de la fermeté, d’autant que les municipales approchent et que les sortants vont se trouver en concurrence directe avec les radicaux d’Aliança Catalana.  Pour autant, le mouvement ne veut pas apparaitre comme un parti conservateur de l’acabit du Partido Popular en Espagne ou des Républicains en France. Donc le louvoiement a été de rigueur.

Le parti a opté pour un vote défavorable à la motion d’Aliança Catalana au Parlement, refusant ainsi une prohibition généralisée, tout en adoptant un discours en faveur de l’interdiction du voile islamique dans l’éducation nationale et de la burqa/nicab dans l’espace public, au nom de la protection des femmes et la sécurité publique.

La liberté religieuse, un sujet tabou

Il n’existe donc aujourd’hui aucune norme légale en la matière. Le gouvernement espagnol refuse de toucher à la loi sur la liberté religieuse datant de 1980. Au sortir de la dictature franquiste et de l’Église catholique religion officielle de l’État de 1939 à 1977, le texte se veut placé sous le signe de la concorde. Il est possible en Espagne d’accrocher un crucifix au mur d’une salle de classe, bien que dans la pratique, le cas soit rare. Et il n’y a pas si longtemps, lors de la prise de pouvoir, le gouvernement jurait sur la Bible. Une coutume, qui pour la première fois, n’a pas été pratiquée par le socialiste Pedro Sánchez en 2018, mais qui n’est pas illégale. On est donc bien loin d’une loi nationale serrant la vis aux pratiques religieuses ostentatoires. Le Parlement catalan ne légiférera pas non plus et les mairies n’en ont pas le droit.

La boucle semble ainsi bouclée. Ce qui n’empêche pas des collectifs comme les féministes de s’opposer vertement au port du voile en raison de la liberté de la femme, aux côtés des droites et d’une partie des indépendantistes, au nom d’une certaine vision de la Catalogne.

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