Crise en Espagne : jusqu’où tiendra Pedro Sánchez ?

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Une affaire de corruption secoue le gouvernement espagnol. À quelques millimètres du vide, le Premier ministre Pedro Sánchez va-t-il chuter ou réussir une nouvelle fois à s’accrocher aux branches ? Éléments de réponse.

Photo de couverture : PSOE

Touché, touché, touché, mais pas encore coulé : le Premier ministre Pedro Sánchez a fait de sa résilience une légende. Depuis huit ans, le chef du gouvernement résiste à tout. Diriger le pays avec une minorité de députés ; supporter la charge de toutes les crises : la Covid, l’inflation, l’éruption du volcan des Canaries, les inondations de Valence, la coupure de courant gigantesque ; faire face au puissant monde judiciaire espagnol outré de l’amnistie accordée aux séparatistes catalans ; nouer une alliance politique douteuse avec le groupuscule basque Bildu qui a le plus grand mal à condamner les attentats terroristes d’ETA ; batifoler avec Puigdemont, véritable pestiféré en Espagne.

Si à chaque crise, le Premier ministre a vu son espérance de vie politique se réduire, force est de constater qu’il est toujours debout dans l’arène.

Point de bascule

Peut-être ce jeudi 12 juin marque le vrai point de bascule, et Sanchez a touché le point douloureusement sensible de la société espagnole : la corruption. Coup sur coup, les numéros deux et trois du parti socialiste, les deux bras droits de Pedro Sánchez, sont visés pour détournement de fonds. Le Premier ministre, qui est fan de la série Baron Noir, semble vivre le même cauchemar éveillé que le personnage de Kad Merah.

L’ancien ministre des Transports, José Luis Abalos, et le secrétaire général adjoint du PS, Santos Cerdán, ont dû quitter la vie politique après avoir tapé dans la caisse. La levée de l’instruction d’un rapport de la Guardia Civil de 500 pages a mis en lumière des dialogues entre Santos Cerdán, José Luis Abalos, et un homme à tout faire, Koldo García. L’objet des conversations réside dans des pots-de-vin associés à des marchés publics émanant supposément d’Acciona, une grande entreprise d’ingénierie et BTP. 620.000 euros auraient été détournés.

Chute ou pas chute ?

Que va-t-il se passer à présent : nouveau tour de force de Pedro Sánchez pour s’accrocher au pouvoir, élections anticipées ou motion de censure ? Prenons les choses par la fin. Contrairement à la France, la motion de censure doit être constructive. Si la droite, par exemple, dépose une motion, elle doit présenter, en même temps, un candidat au poste de Premier ministre. Les partis votant la destitution de Pedro Sánchez donnent automatiquement le pouvoir à son successeur. En l’espèce, le chef de l’opposition : le conservateur Alberto Feijóo. C’est d’ailleurs par cette voie qu’est arrivé aux commandes Pedro Sánchez en 2018. Après que le Partido Popular de Mariano Rajoy a été qualifié d’organisation de malfaiteurs par une décision judiciaire, le Parlement s’était retourné contre le Premier ministre.

2025, Pedro Sánchez, qui a demandé ce jeudi soir pardon aux Espagnols lors d’une allocution officielle, passe ses troupes en revue. La gauche radicale de Sumar, qui se partage le pouvoir avec les socialistes, ne votera pas de motion de censure, mais demande un « reset » dans ses relations au sein de la coalition gouvernementale. Formule absconse n’engageant à rien.

Les Basques ont réitéré leur soutien à Sanchez dans l’attente d’un procès. Les indépendantistes catalans ont demandé audience avec le chef du gouvernement. Pour le moment, les partis alliés à Sánchez ne semblent pas être totalement prêts à le pousser dans le précipice. La croisade du Parti Populaire contre la langue catalane et les identités régionales n’incite pas les partis périphériques à Madrid à soutenir la prise de pouvoir d’Alberto Núñez Feijóo. Qui par ailleurs ne suscite pas une grande émotion dans le pays.

Concernant une démission de Pedro Sánchez, élément déclencheur d’élections anticipées, elle ne parait pas être encore à l’ordre du jour. Même si le Premier ministre est apparu visiblement sonné lors de son allocution, l’auteur du livre Manuel de résistance a encore de l’énergie pour rester debout dans cette énième tempête. Le chef du gouvernement, les ministres et le parti socialiste répètent sur tous les tons que la législature s’achève en 2027 et que les élections se tiendront à ce moment précis.

Dimisión de Santos Cerdán, en directo: reacciones a la comparecencia de Pedro Sánchez por el informe de la UCO y últimas noticias hoy

Pedro Sánchez avec Santos Cerdán au Parlement espagnol avant la révélation de l’affaire judiciaire

Mais rester au pouvoir et exercer le pouvoir sont deux choses distinctes. Si les députés ne voteront pas pour le moment une motion de censure, pour les raisons invoquées plus haut, apposer leurs signatures sur des propositions de loi est un autre sujet. Il sera difficile pour le gouvernement de faire passer des réformes majeures dans les prochains mois.

Les partis politiques auront le plus grand mal à défendre le passage au 37,5 heures de durée de travail comme le souhaite la ministre du Travail. Voter les budgets de la nation 2026 parait également hors de portée de Pedro Sánchez. L’érosion de son influence politique à Bruxelles se fait aussi sentir. Le mois dernier, le ministre des Affaires étrangères espagnol n’a pas eu le poids nécessaire pour convaincre ses homologues du faire du catalan une langue officielle de l’Union européenne comme le réclamaient les indépendantistes.

Par ailleurs, la côte de popularité de Sánchez et de l’ensemble de ses ministres est au plus bas avec une note moyenne de 3 sur 10. Après huit années au pouvoir, tout laisse à penser que Pedro Sánchez a davantage de passé que d’avenir en politique.

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