Comment survivre à la Sant Joan sans perdre l’ouïe (ni sa dignité) ?

plage barcelone Sant Joan

Chaque 23 juin à Barcelone, c’est la même histoire. Pour la Sant Joan, la ville entière se transforme en champ de bataille où des feux d’artifice sauvages, des pétards lancés à bout portant et de grands feux de joie embrasent la cité comtale.

Dès début juin, les kiosques à pétards sortent de leur hibernation. Alignés comme des food trucks de la détonation, ils vendent de tout : des simples claque-doigts aux engins plus proches de l’arme de guerre que du divertissement familial. Et personne ne semble s’émouvoir du fait que des enfants de 8 ans se promènent avec des sacs remplis d’explosifs.

Le jour J, petits et grands rassemblent leur trésor pour jouer au jeu de celui qui fera le plus de bruit, le plus longtemps possible. Il n’est pas rare de voir un père de famille en tongs lancer un feu d’artifice de compétition entre deux voitures, sous les applaudissements d’un public enivré.

À peine deux heures après le début des festivités, le sol est jonché de débris brûlés. Une brume âcre flotte dans l’air saturé de poudre, et on se racle déjà la gorge.

Certains quartiers ressemblent à des zones de guerre – où, même si l’on tire à blanc comme dans les films – les règles du vivre-ensemble sont temporairement suspendues.

On évite : le centre-ville, les quartiers périphériques, et, si l’on a choisi de fuir Barcelone, les grandes, moyennes et petites villes de Catalogne.
On privilégie : (pour les épileptiques, ceux qui ont l’ouïe et le système nerveux sensibles), le cava, les parcs nationaux ou les caissons de privation sensorielle.

pétards catalogne

La plage, théâtre principal du chaos

Direction la Barceloneta, où convergent familles, ados excités, touristes déconcertés, groupes organisés (avec enceinte, pique-nique XXL et mobilier de plagistes) et électrons libres en quête de sensations fortes (voire de leurs amis).

Feux de camp improvisés, cacophonie entre les pétards, le reggaeton et les accords des guitaristes, bouteilles de cava tiédasses, et corps à moitié dénudés et peinturlurés allongés dans le sable… On se croirait à Woodstock version méditerranéenne, à part qu’ici on parlerait plutôt du Summer of Noise que du Summer of Love.

À minuit, le ciel s’illumine. Pas de spectacle orchestré par la mairie, non. Chaque groupe tire son propre feu d’artifice, selon ses moyens, son humeur et son sens du danger. Les plus prudents s’écartent, les plus téméraires dansent en dessous. Quelqu’un crie, quelqu’un rit, quelqu’un vomit. Un pétard éclate à deux mètres d’un bébé qui dort sur une serviette. Tout va bien dans le meilleur des mondes.

On évite : littéralement toutes les plages de la ville.
On privilégie : peut-être pourra-t-on trouver un peu de répit du côté des criques plus confidentielles de Montgat ou de Garraf, ou se réfugier sur les hauteurs pour profiter du spectacle.

barcelone

La Sant Joan : la fête des voisins version catalane

Les vraies soirées de Sant Joan commencent autour d’une grande tablée, réunissant les voisins, amis, et autres cousins de passage. La coca trône au centre : cette brioche allongée, parsemée de fruits confits ou de crème, se découpe à la sauvage. Pas de cérémonie. Chacun pioche, entre deux verres de cava bien trop chaud et un petit coup de ratafia pour faire passer le tout.

Dans certains quartiers, les rues se ferment pour laisser place à des dîners communautaires. On déboule, on s’assoit, on trinque. L’important, c’est d’avoir l’air local. S’intéresser à la recette de la coca de la grand-mère de la voisine. Rire au bon moment. Et surtout, savoir quand filer à l’anglaise (ou dans ce cas de figure « irse a la francesa ») pour éviter le discours en catalan qui dure une heure et demie.

On évite : de jouer les pique-assiettes dans le centre-ville, surtout si on ne parle pas catalan ou que l’on n’a rien apporté.
On privilégie : rester dans son quartier, tisser des liens avec ses voisins, cuisiner une recette de la Sant Joan ou amener une bouteille d’anís del mono. Bref, on montre qu’on a beau être le voisin français, on s’intéresse à la culture des autres sans prendre trop de place.

coca sant joan

Lendemain de fête : quand la ville dort

Le 24 au matin, toute la ville a la gueule de bois. Chacun cuve son cava derrière ses volets fermés et le temps semble s’être suspendu. Tout le monde est devenu sourd, aphone ou meurt. Sur les groupes WhatsApp, certains cherchent leurs chaussures, d’autres leur date Tinder.

Dans les villes plus petites de Catalogne, ambiance fantôme. Dans les rues de Lleida, de Besalú ou de Cadaqués, quelques touristes fraîchement débarqués errent dans les rues, déçus que ce jour férié ne propose aucune activité.

On évite : d’aller prendre un brunch dans un bistrot… fermé.
On privilégie : plage et rando sur des chemins déserts, voire exploration urbaine d’une Barcelone en mode film de zombies.

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