A Barcelone, ville du sport par excellence, de plus en plus de jeunes se lancent sur les réseaux pour prodiguer leurs conseils ou partager leurs exploits en salle. Un phénomène qui n’est pas du goût de tous.
Photos : AC/Equinox
C’est jeudi et il est presque 18h : c’est l’heure de pointe au Fitness Park flambant neuf de la rue Rosselló. Les files d’attente se forment devant les machines. Il faut faire preuve de patience pour se frayer un chemin, mais aussi faire attention à des éléments ici plus inattendus : de nombreux téléphones perchés sur leur trépied.
« Je me filme pour moi-même, pour voir mes progrès ou pour me corriger », raconte Guillem, 26 ans, portable et tripode à la main, en attendant qu’une machine se libère. « En regardant les vidéos, je vois mieux ce que je peux améliorer, mais c’est vrai que des fois, je poste sur Instagram pour que ça profite à plus de monde. »
Cette salle à moins de 30 euros par mois est connue pour être tolérante, mais publie souvent des avertissements sur ses réseaux sociaux pour le respect de l’intimité « Je n’ai jamais eu de problème, on nous laisse filmer tant que ça ne dérange personne, on n’a juste pas le droit de filmer dans le vestiaire. »
Axelle, jeune Française à Barcelone depuis 4 ans, n’avait pas vraiment le profil influenceuse. Cette marketeuse a ouvert son compte Instagram en février, et commencé la salle il y a un an et demi. « Mon ex-petit ami était coach sportif, donc au début je lui envoyais des vidéos pour qu’il me corrige, et puis j’ai commencé à les poster en privé à ma liste de meilleurs amis sur Instagram et ça aidait parfois les gens, alors maintenant je les poste sur un nouveau compte que j’ai créé pour ça. »
Sur Fitladybv, la Française ne cumule pas encore des milliers d’abonnés, mais publie des exercices à reproduire facilement. « Je le fais vraiment dans une idée de partage, de transmettre et aussi de promouvoir le sport, car personnellement, ça m’a beaucoup aidée à me sortir de mes troubles alimentaires », raconte-t-elle, confiant avoir pris 15 kilos depuis qu’elle s’est mise au sport.
Ville de sportifs depuis de nombreuses années, Barcelone encourage en réalité tout ce qui en fait la promotion. « C’est vrai que le sport est très présent ici, très valorisé. Mais il y a aussi la culture des terrasses et des fois, les gens ne comprennent pas que je préfère aller à la salle plutôt que d’aller prendre un verre », glisse-t-elle, mi-amusée, mi-agacée.
Fracture générationnelle et stratégique
Mais derrière cette apparente bonne ambiance, la simple présence de téléphones sur trépied a tout de même le don d’énerver certains usagers. « C’est n’importe quoi, on est dans un lieu public, je transpire, je suis concentrée, je n’ai pas envie d’apparaitre sur Tiktok », raconte Emma, la trentaine. « Ça m’exaspère tous ces gens qui se pavanent sur les réseaux sociaux, et en plus il faut les supporter en train de faire dix mille prises, c’est vraiment pénible », s’emporte une quinquagénaire, qui attend son tour sur un vélo elliptique.
Inévitablement, le ton monte parfois, et les coachs doivent parfois intervenir. « Je me suis déjà fait agressé verbalement parce que je filmais, plusieurs fois, mais il suffit de me dire de me mettre ailleurs et je fais attention à ne pas filmer d’autres personnes que moi », raconte un jeune de 25 ans.
En réalité, la fracture est surtout générationnelle. Ces sportifs en ligne sont jeunes, et plus nombreux dans les salles à petits prix. A Fitness Park, aucune limite n’est fixée pour la prise d’images et c’est un positionnement qui relève plus de la stratégie marketing que de la bienveillance. Les vidéos des usagers-influenceurs sont quotidiennement repostées sur les réseaux sociaux du club, encourageant la pratique parmi les autres membres. Une façon simple et efficace de s’assurer une présence virale à moindre frais, profitant des milliers d’abonnés de sa communauté.
