A Barcelone, il y a aussi l’Espanyol. Supporters, dirigeants, joueurs : tous sont fiers d’appartenir à ce club si singulier. Qui, dans l’ombre du Barça, aspire à de grandes choses depuis l’arrivée d’un propriétaire chinois l’an dernier.
Photos : RCD Espanyol
«Singulier», «différent », «un sentiment qui ne s’achète pas ». Voilà comment ceux qui aiment l’Espanyol le définissent. «C’est un amour qui se transmet de père en fils car nous ne sommes pas un club qui gagne des titres» a expliqué à Equinox Alfred Puig, le président des Penyas de l’Espanyol en Catalogne (NDLR : seulement 4 Coupes du Roi remportées en 116 ans d’histoire). «Mon père était d’ailleurs de l’Espanyol. On le vit avec beaucoup d’orgueil et de passion. C’est une manière de vivre, la force d’un sentiment».
L’Espanyol, une « merveilleuse minorité »
A l’Espanyol, le club se définit lui-même comme une « merveilleuse minorité ». Un slogan qui traduit la fierté d’appartenir à une communauté distincte, à contre-courant de ceux qui suivent l’option mainstream du F.C. Barcelone. «Nous sommes un peu la face B d’un 45 tours, illustre Xavi Salvatella, le directeur de communication de l’Espanyol. Nous disons à tous ceux qui aiment le football de venir comme ils sont, quelles que soient leur confession, leur nationalité ou leur idéologie politique. Et quand on en devient supporter, on le devient à fond. Je ne connais personne qui se dise «un peu » de l’Espanyol». Ce sentiment d’appartenance s’est aussi forgé dans toutes les crises traversées par le club : «La vente du stade de Sarria pour éponger les dettes, les deux finales de Coupe d’Europe perdues aux pénaltys, le décès du capitaine de l’équipe Dani Jarque en 2009 alors qu’il était en pleine force de l’âge… plus d’un club aurait disparu après tout cela» explique Salvatella.

Lire aussi : Le PSG peut-il rattraper le Barça?
Ce choix du cœur blanquiblau est régulièrement mis à l’épreuve à Barcelone. Car que ce soit au travail, en famille ou dans les médias, les supporters de l’Espanyol sont toujours en minorité par rapport à ceux du Barça. «Mais c’est une rivalité saine, on en rigole» précise Puig. Celui qui chapeaute plus de 180 Penyas regrette toutefois que son club n’occupe que 2 pages dans les journaux sportifs barcelonais Sport et Mundo Deportivo, contre 15 au Barça. «On a l’impression d’être mieux considérés à l’extérieur de la Catalogne que chez nous» regrette-t-il. Pour Salvatella, c’est à l’Espanyol de trouver sa propre voix. «Quel que soit le chemin emprunté par les autres, nous devons suivre le nôtre. Donc à nous de savoir parler à la société catalane, avec ou sans la presse. Nous devons centrer nos efforts là-dessus, pour être visible auprès du public». A l’Espanyol, on reconnaît cependant qu’une amélioration des résultats entraînerait une meilleure couverture médiatique du club. Les blanquiblau n’ont plus disputé de Coupe d’Europe depuis dix ans. Et il n’a jamais fini mieux que dixième depuis 2011.
Mr Chen, la grande espérance de l’Espanyol
Cette saison, pourtant, l’Espanyol a retrouvé le sourire. Un homme d’affaires chinois, Mr Chen, est devenu propriétaire du Club en novembre 2015. Il a épongé les dettes et donné les moyens à l’Espanyol de terminer dans la première partie de tableau, après des années à lutter pour ne pas descendre. «C’est une chance qu’il soit arrivé et qu’il investisse, nous confie N’Kono. Mr. Chen a apporté de la stabilité, ce qui est très important dans le football. Depuis le club a pris une autre dimension et va de l’avant». Côté supporters, l’espoir est grand : «On sent que Mr Chen s’implique dans le Club a confié Puig. On a de grands joueurs et un grand entraîneur. Cela génère beaucoup d’optimisme».

L’Espanyol et le Barça : je t’aime moi non plus
Aujourd’hui, malgré ses 116 ans d’Histoire, le club a besoin de grandir. Car l’Espnayol est dans l’ombre de celui que les supporters blanquiblau nomment «les autres», «ils» ou «eux». Surtout en Catalogne. «Pourtant nous sommes Catalans et eux sont Suisses» nous a dit Puig, en se référant à la nationalité des fondateurs de l’Espanyol… et de ceux du Barça. Les deux clubs entretiennent en effet une espèce d’amour-haine réciproque, sur le mode « je t’aime moi non plus ». Du côté de l’Espanyol il y a une forme de jalousie envers ce voisin plus puissant, plus avantagé, plus proche du pouvoir. De l’autre les supporters du Barça reprochent à l’Espanyol de n’être que le cheval de Troie du Real Madrid en Catalogne. Une relation qui a offert son pire visage en 2009 quand les Boixos Nois, des hooligans pro-Barça, ont tiré des fumigènes sur les supporters de l’Espanyol dans l’ancien stade de Montjuic. Depuis seules les aficionados de l’équipe locale peuvent assister à un derby entre les deux meilleurs formations de Barcelone. «C’est dommage» se lamente Puig.
Au niveau institutionnel, selon Salvatella, il n’y a par contre pas de problèmes. Force est de constater cependant que le repas entre les dirigeants de l’Espanyol et du Barça, avant le derby de dimanche a été annulé pour organiser l’Assemblée Générale Extraordinaire du F.C. Barcelone. Or quand on aime son voisin, on trouve des solutions pour déjeuner avec lui. Comme le faisaient les joueurs des deux équipes il y a trente ans, du temps de N’Kono : «Quand je jouais l’ambiance était différente nous explique le Camerounais, on pouvait se retrouver avec des collègues du F.C. Barcelone dans un bar. On se donnait des défis et on pouvait rigoler ensemble».
