Le président espagnol Mariano Rajoy joue sa survie politique avec le référendum

rajoy

Mariano Rajoy dirige l’Espagne depuis près de six ans. Il a la réputation d’être un survivant et de se relever de toutes les épreuves politiques. Cependant, le référendum catalan est une épreuve délicate pour le président espagnol.

Mariano Rajoy est dans la vie politique depuis 1981. Il lui aura fallu 15 ans d’attente pour entrer au gouvernement. En 1996, il devient ministre de José Maria Aznar. Il occupera les postes de titulaire de l’Intérieur et de l’Économie. Donné gagnant dans les sondages en 2004 à la présidence du gouvernement, il perdra finalement face au socialiste José Luis Zapatero suite aux attentats d’Atocha qui ont ensanglanté Madrid. Rajoy se représente en 2008, pour de nouveau être battu par le leader socialiste. Huit ans de nouvelle traversée du désert. Il faudra attendre la crise économique et un Zapatero acculé pour que Rajoy soit finalement élu chef du gouvernement espagnol en décembre 2011.

Rajoy est un survivant politique. Il a enterré, après deux défaites aux élections, tous ses concurrents quand il était le leader de l’opposition entre 2004 et 2011. Il a effectué de 2011 à 2015 un premier mandat compliqué marqué par la crise économique, les révoltes citoyennes des Indignés et des cas de corruption à des niveaux inédits. Son Partido Popular (PP) détient le record européen du nombre d’élus mis en examen. Ça ne l’a pas empêché de se représenter en 2015 et d’arriver en tête de l’élection législative. Ne disposant pas de la majorité parlementaire pour se faire investir président, Mariano Rajoy n’a pas jeté l’éponge. Il s’est bunkérisé dans le palais de la Moncloa (le Matignon espagnol) et a provoqué un blocage institutionnel pendant 6 mois. Conséquence : une nouvelle élection générale a dû être organisée. De nouveau candidat, de nouveau en tête, toujours avec un score insuffisant pour obtenir une majorité absolue de députés l’investissant. Rajoy a attendu, toujours tranquillement sous les ors de la Moncloa, en laissant planer la menace d’un troisième scrutin. Finalement, le parti socialiste (PSOE) s’est laissé tordre le bras et avec l’abstention de ses députés a permis l’investiture de Mariano Rajoy. Président pour un nouveau mandat.

Une majorité fragile

C’est donc avec une minorité de 137 députés sur 426 (un président de gouvernement espagnol n’avait jamais dirigé le pays avec une si étroite majorité) que Mariano Rajoy s’engage dans la bataille contre l’indépendance de la Catalogne. Pour gérer les affaires courantes du pays, Rajoy s’appuie sur les libéraux de Ciutadans (CS) et les nationalistes du Pays basque (PNV). Ciutadans demande au chef du gouvernement de prendre les mesures les plus radicales comme suspendre l’autonomie de la Catalogne, tandis que le PNV voudrait qu’il y ait une tolérance autour de la tenue du référendum. Les deux partis menacent de lâcher Mariano Rajoy si ce dernier ne va pas dans leur sens respectif. Donc Rajoy claudique. Il tente de couper le financement du gouvernement de Catalogne, casus belli pour le PNV, tandis qu’il tolère des meetings géants des indépendantistes, blasphème pour Ciutadans.

Pour se sortir d’affaire, Mariano Rajoy compte sur le concept d’union nationale en obligeant les socialistes à le suivre dans la défense constitutionnelle de l’Espagne. Un vrai piège politique pour les socialistes. D’un côté, le fief socialiste d’Andalousie est allergique à l’indépendantisme. De l’autre, des communautés plus progressistes comme Valence, sans parler des socialistes catalans, ne peuvent pas soutenir des mesures extrêmes comme la destitution du président de la Generalitat ou la suspension de l’autonomie de la Catalogne. En outre, le parti socialiste, concurrencé sur sa gauche par Podemos, ne peut former un amalgame avec la droite de Rajoy.

mariano rajoy et albert rivera

La motion d’Albert Rivera invitant M. Rajoy à plus de fermeté en Catalogne a subi un cuisant échec

Mardi au parlement espagnol, Mariano Rajoy a reçu un sévère avertissement. Albert Rivera, au nom de son groupe Ciutadans, a présenté une motion invitant Mariano Rajoy à agir avec fermeté pour stopper l’indépendance de la Catalogne. Véritable camouflet pour Ciutadans : le texte a coalisé contre lui les parlementaires catalans, les nationalistes basques, Podemos et le PSOE La motion a été vertement rejetée n’obtenant le soutien que du Partido Popular.

Pris entre deux feux

Sirène d’alarme pour Mariano Rajoy : les socialistes ne se rangent pas à ses cotés pour défendre l’unité de l’Espagne. Le président logiquement aurait dû en prendre acte et calmer la répression contre  l’indépendantisme. Au contraire, d’une manière surprenante, la Guardia Civil espagnole a déployé hier l’opération Anubis se soldant par le placement en garde à vue de 13 hauts fonctionnaires du ministère de l’Economie catalan, noyau dur qui travaillait sur la logistique du référendum. L’Etat espagnol a également gelé les comptes bancaires de la Generalitat, suspendant de fait son autonomie financière. En Espagne il n’y a pas officiellement de parti d’extrême-droite constitué. Cependant un néo-franquisme existe dans le parti gouvernemental, largement relayé dans les médias et l’intelligentsia madrilène. Rajoy, prudent comme un serpent, n’est pas habitué à appliquer des mesures si radicales. Il semble avoir voulu que son parti, avec ses mouvances et idéologies, fasse bloc derrière lui. Si Rajoy a réussi à fédérer la droite et ses extrêmes, il comprend aussi qu’une majorité alternative pourrait se former contre lui. Une motion de censure parlementaire déposée par les socialistes dans les prochains mois pourrait lui faire perdre la présidence si une majorité de députés votent contre lui.

L’Espagne politique connaîtra probablement une dépression nerveuse après le 1er octobre, tellement son identité est mise à mal par le référendum. Mariano Rajoy survivra-t-il à cette nouvelle crise ou rejoindra-t-il les Hollande, Valls, Cameron et autre Renzi. L’ampleur de la réussite du référendum, ou de son échec, sera une donnée importante de cette équation. A moment donné, le bon sens voudrait sans doute que l’Europe intervienne.

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