Puigdemont bloque l’investiture du prochain président : malaise dans la sphère indépendantiste

Devant le risque de nouvelles élections, la tension est palpable. Une partie de l’indépendantisme demande à Carles Puigdemont de se retirer. 

15, c’est le nombre de jours qu’il reste avant que le parlement catalan ne se dissolve automatiquement faute d’avoir élu un président. Comme le dicte la Constitution espagnole et le statut d’autonomie catalan, le 22 mai prochain si les députés n’investissent pas un président de la Generalitat, de nouvelles élections parlementaires seront convoquées le 15 juillet 2018. L’article 155 suspendant les compétences politiques de la Catalogne restera en vigueur.

Contrairement à la France, le 21 décembre dernier, les Catalans n’ont pas voté directement pour un président mais pour des députés. Ce sont eux qui ensuite votent pour investir un président. Le candidat à la présidence doit obtenir le vote de 68 députés (la majorité absolue des parlementaires).

L’indépendantisme catalan, suite aux résultats électoraux du 21 décembre dernier, est réparti en trois courants : le Junts Per Catalunya de Carles Puigdemont (34 élus), la gauche républicaine ERC (32 élus) et l’extrême gauche de la Cup (4 élus). Les trois familles de l’indépendantisme possèdent donc la majorité absolue. Sauf que Carles Puigdemont bloque l’investiture. Depuis Berlin ce week-end, Carles Puigdemont demande au parlement de retenter sa propre investiture. Sous la demande de l’homme de Gérone, la majorité indépendantiste a voté une loi la semaine dernière qui permet une investiture depuis l’étranger. Cependant, ce texte sera suspendu dès mardi par le Tribunal constitutionnel sur demande du gouvernement espagnol. Un coup d’épée dans l’eau qui fait perdre du temps pour l’investiture réelle et a déclenché la sonette d’alarme au sein du landerneau indépendantiste.

Revoter serait dramatique

La gauche d’ERC, et le Pdecat d’Artur Mas veulent la formation d’un gouvernement le plus rapidement possible. Un retour aux urnes serait dramatique pour le fonctionnement des institutions catalanes. L’article 155 resterait en vigueur au moins jusqu’à l’automne. Les hôpitaux publics, les chercheurs, le monde de la culture, l’enseignement ont besoin de nouvelles sources de financement que seul un gouvernement catalan en fonction peut approuver.

independance catalogneLes partis en faveur de l’union de l’Espagne, particulièrement Ciutadans, profitent du 155 pour lancer des virulentes attaques contre le tissu social catalan. Albert Rivera, fait rarissime pour un dirigeant aspirant à gouverner un pays, a publié sur ses réseaux sociaux les données personnelles d’une dizaine d’enseignants catalans qui supposément endoctrineraient leurs élèves avec des thèses indépendantistes. Pour répliquer dans ce vif débat, le souverainisme catalan a besoin d’un gouvernement pour défendre ses intérêts.

Le geste de Puigdemont

Après l’annonce de Carles Puigdemont de mettre en danger la formation du prochain gouvernement, la sphère indépendantiste est montée au créneau pour demander à l’ancien président de débloquer la situation avant la date fatidique du 22 mai.  Depuis sa cellule madrilène, l’ancien vice-président de la Catalogne Oriol Junqueras a expliqué « qu’aucune république au monde ne laisse ses outils aux mains de ses ennemis ». Traduction : si Carles Puigdemont veut défendre la république catalane, il ne peut pas laisser les institutions sous l’autorité de l’article 155.

La directrice de théâtre Simona Levy a, elle, envoyé une lettre ouverte à Carles Puigdemont. Une missive assez dure : « Légitimement vous êtes le président d’une république qui pour le moment n’existe pas. Votre condition d’exilé politique ne vous légitimise pas pour continuer une politique de blocage. Monsieur le président, les citoyens ont voté pour vous comme un symbole. Mais si vous restez seulement un symbole, vous perdez votre fonction réelle.  Vous passez de la dignité à une forme de chantage victimiste qui ressemble à la vieille politique. Il ne reste plus qu’une dizaine de jours pour que vous débloquiez le situation et permettiez la formation d’un nouveau gouvernement ».

Le journal de référence de l’intelligentsia souverainiste Ara a publié hier un éditorial allant dans le même sens « La Catalogne sera mieux protégée avec un gouvernement. Le rôle de Carles Puigdemont est de représenter l’indépendantisme à l’international, mais il doit permettre de laisser un président gouverner la Catalogne. »

Sans inspirer grande confiance, les porte-paroles de Puigdemont affirment qu’il n’y aura pas de nouvelles élections, et si Carles Puigdemont ne peut pas être investi, un autre candidat sera proposé avant le 14 mai.

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