La Catalogne retourne aux urnes entre divisions indépendantistes et crise sanitaire.
Le mandat de l’actuel président catalan termine en théorie à la fin de l’année 2021. Mais Quim Torra ne pourra pas aller au bout. Le 17 septembre prochain, il sera très probablement destitué après avoir été condamné par le Tribunal Supérieur de Catalogne. Au grief de ne pas avoir retiré un ruban jaune, symbole indépendantiste, de la façade du Palau de la Generalitat durant la dernière campagne électorale. Torra a interjeté appel devant le Tribunal Suprême espagnol qui statuera au début de l’automne.
Des élections sont donc sur la table. La gauche indépendantiste (ERC) qui se partage le pouvoir avec le parti de Carles Puigdemont veut voter le plus rapidement possible. Mais c’est Quim Torra en sa qualité de président qui détient le pouvoir de dissoudre le parlement et convoquer une élection anticipée. En berne dans les sondages et en difficultés internes, le camp Puigdemont n’est pas pressé d’ouvrir les collèges électoraux. Selon nos confrères de Nacio Digital, l’élection pourrait avoir lieu le 4 octobre prochain. Carles Puigdemont très attaché au roman national souhaite que le scrutin soit amalgamé au 1er octobre, date anniversaire du référendum de 2017.
La gauche indépendantiste catalane
ERC prévoit une campagne socialo-indépendantiste. Le candidat sera l’actuel vice-président du gouvernement Pere Aragones. Pour séduire au-delà des frontières naturelles de l’indépendantisme, la ministre catalane de la Santé, Alba Vergés, très médiatisée lors de la crise du Covid, sera mise sur le devant de la scène. Hausse des impôts, meilleur financement pour la santé publique, légalisation des immigrés sans papiers, les propositions électorales d’ERC sont sociales et très ancrées à gauche.

La nébuleuse Puigdemont
Si ERC est une machine de guerre électorale, dans le camp Puigdemont c’est plus chaotique. Le centre-droit indépendantiste, depuis l’explosion du parti d’Artur Mas Convergencia en 2015, est disséminé en une multitude de mouvements. La principale plate-forme, Junts Per Catalunya (ensemble pour la Catalogne) , sous laquelle se présente Carles Puigdemont est la marque électorale appartenant au Partit Democrata (PdeCat) un temps dirigé par Artur Mas. La nébuleuse autour de Carles Puigdemont est également formée de petits groupuscules agissant indépendamment les uns des autres.

Le monsieur sécurité de Barcelone
Ils pourraient lors des prochaines élections recevoir le soutien du monsieur sécurité de Barcelone, Albert Battle. Cet ancien chef des Mossos d’Esquadra est devenu très populaire en menant une politique sécuritaire à Barcelone. Galvanisé par l’attention médiatique, Battle ne ferme pas la porte à sa candidature lors des prochaines élections. Avec un programme respectueux de l’identité catalane mais sans l’indépendance au bout du chemin.
Une candidature mal vécue par les socialistes qui ont peu ou prou le même programme. Si la ministre catalane de la Santé fait campagne pour ERC, le candidat socialiste Miquel Iceta recevra le soutien de Salvador Illa. L’actuel ministre de la Santé du gouvernement espagnol ultra-médiatisé par la crise du Covid19 est un socialiste catalan très proche d’Iceta.
Quelle majorité pour diriger la Catalogne ?
Si l’on en croit les sondages, ERC est favori du scrutin. Ada Colau et ses amis de la gauche radicale sont en embuscade et pourraient pactiser avec ERC. Pour « se débarrasser » de Carles Puigdemont et briser le front indépendantiste.
Puigdemont, les mains dans le cambouis de la réorganisation de son parti, n’est pourtant pas mort politiquement. Sentimentaliste, l’électeur indépendantiste n’oublie pas qu’il est l’instigateur de la déclaration d’indépendance de 2017. Preuves en sont les 28% des voix récoltées par l’ancien président lors des élections européennes.

La droite en faveur de l’unité de l’Espagne risque d’être la grande perdante du scrutin. La première force politique en Catalogne, Ciudadanos et ses 36 députés, n’est plus que l’ombre d’elle-même depuis les multiples crises existentielles qui ont frappé le parti. Le départ d’Inès Arrimadas a laissé un vide que n’arrive pas à remplir la nouvelle figure du parti Lorena Roldán.
La droite du Partido Popular est encore en convalescence suite aux violences policières lors du référendum du 1er octobre 2017 et des lourdes peines de prison frappant les responsables indépendantistes. Une fragilité qui sera exploitée par l’extrême-droite de Vox qui pourrait pour la première fois de l’histoire entrer au parlement catalan.
A moins qu’une seconde vague du coronavirus en octobre empêche les électeurs de se rendre aux urnes et convertisse le scrutin en un fiasco comme les municipales françaises.