Plus qu’une balade dans la Barcelone de Mathias Enard, lui-même Barcelonais d’adoption, c’est à travers le livre La Rue de Voleurs que nous redécouvrirons ici la ville.
Photos Clémentine Laurent/Equinox
De l’aveu de l’auteur, l’ouvrage est le récit le plus contemporain et le plus réaliste qu’il n’ait jamais publié. “Je voulais écrire un romain d’aventures, un peu en direct, avec les événements du moment, comme une espèce de reportage” a-t-il récemment expliqué, près de 10 ans après sa parution.
La Rue des Voleurs, publié en août 2012, nous plonge donc dans la Barcelone de la crise économique avec un lieu central qui donnera son nom au livre : la Carrer Robadors (la « Rue des Voleurs »). C’est certainement l’une des artères les moins attrayantes de la ville, en plein quartier populaire du Raval, où se mêlent histoires des Misérables modernes, migrants, prostituées, dealers et jeunes désœuvrés, où se perdent parfois “des touristes ivres morts”. La face la plus sombre de Barcelone est ici, celle qui a toujours fasciné les écrivains français, transmettant à notre mémoire collective l’image d’une ville canaille où tout est permis. Elle fascine aussi Mathias Enard qui avait installé carrer Robadors son bureau d’écriture. 
La Place Salvador Segui, véritable OVNI du quartier, reste très courue des Catalans et expatriés européens pour la programmation de la Filmoteca et le très bobo bar-restaurant la Monroe. Un peu plus loin, la place dels Angels a également été rénovée et flanquée d’un imposant et moderne bâtiment accueillant le Musée d’Art Contemporain de Barcelone (MACBA). Citées par Mathias Enard, les deux initiatives de la mairie ont bien réussi à attirer les classes les plus aisées dans le quartier, mais n’ont nullement contribué à améliorer la qualité de vie des habitants, qui restent parqués dans des rues sombres et crasseuses.

Et puis il y a aussi les plages des riches, surplombées par l’hôtel W et l’hôtel Arts, et celles des pauvres, d’où l’on distingue les cheminées industrielles de Badalona. Les populations se croisent mais ne se mélangent pas.

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