Lilian Thuram : « Pourquoi avoir mis une statue de Christophe Colomb à Barcelone ? »

Thuram Barcelone

L’ancien international français et joueur du Barça, Lilian Thuram, a présenté son dernier livre “La pensée blanche” au FC Barcelone, mercredi 25 janvier. Sa fondation, soutenue par celle du club barcelonais, lutte contre le racisme et le sexisme.

Lilian Thuram ne chausse plus les crampons depuis 2008. Aujourd’hui âgé de 51 ans, l’ancien international français se dédie à sa fondation qui lutte contre le racisme, la xénophobie et le sexisme dans le sport et à l’école.  Très engagé dans son combat, l’ancien footballeur, joueur “atypique” pour certains, est venu présenter son dernier livre, “La Pensée Blanche” dans l’auditorium de la Fondation du FC Barcelone, mercredi 25 janvier. 

Sorti en France, il y a deux ans, l’ouvrage est désormais traduit en espagnol sous le titre “El pensamiento blanco”. Un symbole pour celui qui mettra un terme à sa carrière sportive sous les couleurs des “Blaugrana”. “C’est un vrai plaisir de venir ici au Barça, là où tout a commencé avec la fondation”, déclare l’ancien champion du monde. Même s’il est resté seulement deux ans en Catalogne, la devise “Mès que un club” (Plus qu’un club), l’a marqué.

Un traumatisme fondateur

Dans le football comme dans le sport en général, difficile de faire entendre sa voix, “surtout quand on est noir”. Victime de racisme à l’âge de neuf ans, le petit Lilian ne comprend pas les réponses que lui apporte sa mère. “Ne fais pas attention, les gens sont racistes, c’est comme ça”. Comme si les choses ne pouvaient pas changer. Comme si c’était une fatalité.

Originaire de Guadeloupe, le joueur français a grandi en région parisienne. C’est dans ce contexte qu’il réfléchit, pense et veut comprendre pourquoi le racisme existe. Pour Lilian Thuram, c’est une prise de conscience que la société doit avoir. “Pourquoi nous pensons ce que nous pensons ?

Thuram BarceloneC’est d’abord un point de vue. Les enfants sont le plus souvent conditionnés par leur parents, par une histoire que l’on raconte depuis le plus jeune âge. “On intègre que l’on est blanc ou noir. On intègre que l’on est un homme ou une femme. Et être blanc, désolé de le dire mais c’est la norme”. 

“Il faut questionner le fait que le racisme perdure”

Quelle est ma part de responsabilité ? Ce questionnement personnel, Lilian Thuram l’amène dans son livre. “Ne pas prendre position ou se satisfaire de la situation, c’est déjà prendre position”.  En convoquant Nelson Mandela ou Martin Luther King, le champion du monde dénonce un système économique, le capitalisme, qui fait perdurer le racisme depuis la traite négrière jusqu’à l’exploitation des travailleurs de nos jours. 

A son arrivée à Barcelone en 2006, Lilian Thuram se souvient par exemple de la colonne de Christophe Colomb. “Pourquoi avoir mis cette statue ?” Cet homme aurait découvert l’Amérique. “Mais il y avait des gens sur la plage en arrivant pourtant”. C’est encore une histoire de point de vue. “Le racisme est une manipulation historique”.

L’éducation comme remède

Pour lutter contre le racisme, le sexisme et toutes les autres formes de discriminations, il faut recréer du lien et arrêter de “classifier” les gens. 

Avec sa fondation, Lilian Thuram croit à l’éducation et au sport comme vecteurs de changement. “L’éducation permet de grandir, de s’élever. Et le sport, il touche à l’émotion. Et l’homme fonctionne à l’émotion. Nous ne sommes pas des êtres de raison comme certains le pensent”. Et ajoute : Il faut que les jeunes générations s’autorisent à changer les choses et s’emparent de ces questions. C’est essentiel”. 

Accessible, l’ouvrage permet de se poser des questions et de réfléchir à la façon dont fonctionne la “pensée blanche” en pointant ces mécanismes. Le titre de l’ouvrage est d’ailleurs, pour lui, très important. “Il montre que la hiérarchie de la couleur de peau est mondiale”. Le livre, traduit en plusieurs langues, le prouve. Prochainement, il sera disponible en Albanais, assure-t-il.  A noter que lors de la conférence de presse, Lilian Thuram était la seule personne noire dans l’auditorium. Preuve s’il en est du chemin qu’il reste à faire.

 

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