A Barcelone et ailleurs, les stéréotypes persistent dans la tech et l’ingénierie

edito MURIELTous les lundis, Equinox laisse ses colonnes à une personnalité francophone de Barcelone, experte de son domaine.

Ingénieure dotée d’une longue carrière à des postes de direction, Muriel Moscardini est actuellement chef des opérations de la marque de boissons Go Mate Drinks depuis Barcelone. Elle est aussi cofondatrice et board member de la French Tech Madrid.

En ce mois de mars, qui depuis 1977 est marqué par la Journée internationale des droits des femmes, j’ai choisi de partager mes réflexions les plus récentes sur les stéréotypes, ces idées reçues ancrées dans l’inconscient collectif.

Depuis de nombreuses années, on travaille pour favoriser l’égalité des opportunités pour tous et à encourager davantage de femmes à s’engager dans les secteurs des STEM (science, technologie, ingénierie et mathématiques), secteur associé plutôt aux hommes qu’aux femmes, par inconscient collectif. Ce sujet me touche personnellement, étant moi-même ingénieure et travaillant dans le domaine de la technologie depuis plus de 25 ans. Dans le monde, des initiatives ont vu le jour, en Espagne aussi comme Adalab, qui aide les femmes à se réorienter vers les métiers de la technologie, ou encore Inspira STEAM de l’université de Deusto, qui dispense des formations sur les STEM et l’égalité des opportunités dans les écoles. Ces exemples ne sont que quelques illustrations des nombreux efforts et avancées réalisés dans ce domaine.

Alors pourquoi, en 2024, lorsque l’on discute avec des professionnelles de la technologie, continue-t-on à percevoir ce domaine comme étant dominé par les hommes ? Pourquoi certaines femmes souffrent-elles toujours de cette perception et ne constatent-elles pas les évolutions que l’on a pu observer dans les chiffres au cours des 20 dernières années ?

Au fil de ces discussions, j’ai réalisé que les stéréotypes auxquels nous sommes confrontés sont bien plus persistants que ce que l’on imagine. Parviendrons-nous réellement à les éliminer pour les générations futures et à créer un monde plus inclusif ?

J’ai exploré cette question- La formalisation du concept de stéréotypes remonte à Walter Lippman (USA) en 1922, mais leur existence soit bien antérieure. Ils représentent des opinions préconçues, des idées figées, des simplifications de la réalité, des représentations catégorisantes. Depuis lors, on leur fait la vie dure. De nombreuses études et approches nous ont amenés à reconnaître que ces stéréotypes sont souvent discriminatoires et réducteurs, et qu’ils résultent rarement d’une réflexion personnelle. Nous les identifions et tentons de les éradiquer au profit de plus d’inclusion et moins de discriminations. Malgré l’essor de l’égalité et le désir d’atteindre la parité, notamment dans des secteurs tels que la technologie, paradoxalement, les stéréotypes persistent.

Malgré leur connotation aujourd’hui largement négative, les stéréotypes ont la peau dure. Quelle n’a pas été ma surprise lorsque j’ai découvert que les stéréotypes constituent une base de notre communication, nous permettant d’échanger et contribuent à notre compréhension du monde qui nous entoure. La catégorisation qu’ils représentent est fondamentale dans le partage des représentations. Ils guident les enfants dans leur apprentissage dès leur plus jeune âge et répondent à notre besoin de repères pour comprendre le monde. Aujourd’hui, à l’ère d’Internet et des réseaux sociaux, la propagation des stéréotypes est accélérée. Les éliminer serait non seulement impossible, mais aussi préjudiciable, car ils sont des leviers essentiels à l’échange et au partage d’idées et de représentations.

Quelles options s’offrent alors aux générations futures ? Selon des études telles que celle d’Anne Lehmans et Vincent Liquète (interview CNRS), la clé réside dans l’éducation : dès le plus jeune âge, non pas éradiquer les stéréotypes mais élargir notre champ de vision afin d’enrichir nos représentations du monde et de favoriser l’élaboration de pensées plus complexes.

Je vous laisse avec cette réflexion et vous invite à envisager comment chacun de nous peut contribuer à cet élargissement d’esprit au quotidien. Et d’émettre le vœu que peut-être dans deux ou trois générations (même si je ne serai plus là pour le voir), les femmes dans le domaine de la technologie ne se souviendront même plus pourquoi ce sujet nous a tant animé pendant des années.

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