Le pourboire « suggéré » se répand à Barcelone

De plus en plus de cafés et restaurants barcelonais calculent le montant du pourboire à laisser, voire le proposent directement au moment de payer la note. Une petite révolution qui n’est pas du goût de tous. 

A quelques encablures de l’Arc de Triomf, le Saga accueille une clientèle locale et internationale, principalement du quartier. Joliment décoré, ce café-restaurant que certains qualifieront de hipster propose des cortados comme des matcha latte ou du kombucha. Mais quand Tom, le patron, a décidé de mettre en place le système des pourboires à l’américaine, il a observé quelques réticences, et même des commentaires négatifs sur Google ou les réseaux sociaux. « Mais personne n’est obligé de donner ». Le paiement se réalise toujours au comptoir et au moment de régler par carte bancaire, le dispositif propose d’ajouter 5, 10 ou 20% de pourboire. « Il propose aussi de ne laisser aucun pourboire, et c’est le bouton le plus gros », insiste Tom.

IMG 9369A l’ouverture du café il y a presque un an pourtant, l’entrepreneur n’avait pas activé cette option à la caisse « Ce n’est pas trop dans la culture locale, c’est vrai que c’est plutôt américain », poursuit l’Anglais, installé à Barcelone depuis 13 ans. Finalement, il décide de le mettre en place pour répondre aux nombreuses demandes de pourboires par carte bancaire. « C’est plus simple et plus discret pour le client, et plus pratique pour nous à comptabiliser ». A la fin du mois, Tom fait les comptes et répartit les pourboires sous forme de primes. « C’est gratifiant pour les employés, ça leur fait un bon complément », assure-t-il, sans toutefois vouloir dévoiler les montants versés.

Mais la pratique n’est pas réservée qu’aux cafés branchés, elle se répand aussi parmi les restaurants plus traditionnels. Certaines chaînes barcelonaises de renom, comme Farggi ou Labarra, ont ainsi sauté le pas depuis plusieurs mois et incorporé ce système à l’américaine sur leurs additions. Chez Farggi, on indique désormais, sous le total de l’addition, le montant à payer avec le pourboire, en précisant tout de même que c’est un montant « recommandé ».

note

A Labarra, le ticket déroule trois lignes : la première sans pourboire, accompagné d’un emoticon pas très content, la deuxième avec le montant calculé avec 5% extras et un emoticon content, et enfin la troisième avec un surplus de 10% et un emoticon très content. Difficile de faire plus incitatif.

Récupérer l’habitude du pourboire

Alors bien sûr, cette nouvelle façon de présenter les additions n’a pas manqué de faire réagir les Barcelonais. Selon l’association de consommateurs Facua, de nombreuses plaintes reçues font état d’un système qui « leur met la pression » voire « les violente ». Le secrétaire général de l’association estime que cette pratique « crée un sentiment de culpabilité » chez le client qui décide de ne pas laisser de pourboire, et que cela ne doit « en aucun cas être utilisé par les patrons pour compenser de bas salaires ».

Pour d’autres, et notamment le syndicat UGT, c’est une manière de récupérer l’habitude du pourboire, qui s’était perdue avec le paiement systématique en carte bancaire. « Les conditions en restauration sont difficiles, et pour beaucoup de travailleurs, le pourboire fait la différence », indique Igor Abascal, responsable de la branche Hôtellerie de l’UGT Catalogne.

Or, comme partout en Europe, le secteur de la restauration peine en Espagne à recruter et à fidéliser ses employés. Les petits extras mensuels deviennent donc un bon levier de motivation et les entreprises s’y penchent de plus en plus. Avec succès. Sentiment de culpabilité, confusion sur le réel montant obligatoire à payer ou simple élan de générosité, le nouveau système a permis de multiplier les pourboires par trois selon un responsable de Labarra. De quoi encourager leurs confrères à les imiter, n’en déplaisent aux clients qui se sentent sous pression.

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