Entreprendre entre la France et l’Espagne : au-delà des idées reçues

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Le lundi, Equinox laisse ses colonnes à une personnalité francophone à Barcelone, experte de son domaine. Cette semaine, c’est Carole Donna qui prend la plume. Elle est la fondatrice d’Altana Expertise, un réseau de cabinets d’expertise comptable implantés en France et en Espagne.

Photo : Clémentine Laurent

De plus en plus de dirigeants et de créateurs d’entreprise français font le choix de s’implanter ou de se développer en Espagne. En tant qu’experte-comptable accompagnant ces projets des deux côtés de la frontière, j’observe une constante : l’aventure est autant culturelle qu’économique. Et surtout, elle ne s’improvise pas.

On me demande souvent : « C’est plus simple, non, de créer sa société en Espagne ? »

Et je réponds systématiquement : ce n’est ni plus simple, ni plus compliqué, c’est juste différent.

Ces dernières années, j’ai accompagné de nombreux chefs d’entreprise français qui ont choisi de s’installer ou de développer leur activité ici, en Espagne. Et ce qui frappe, ce n’est pas seulement la diversité des profils, mais surtout la variété des motivations : qualité de vie, volonté de se rapprocher d’un marché international, coup de cœur personnel, ou simplement ras-le-bol du cadre français. Mais une chose revient dans tous les parcours : le moment où la réalité locale rattrape le projet.

La première erreur fréquente, c’est de croire que l’on peut transposer son modèle français à l’identique. Statut juridique, charges sociales, fiscalité, obligations comptables… tout est construit différemment. Et cette complexité n’est pas forcément visible au départ : beaucoup se fient à des idées reçues (parfois glanées sur les réseaux ou entre deux tapas) et se retrouvent pris de court une fois le projet lancé. Exemple typique : l’entrepreneur qui opte pour le statut d’autónomo sans réaliser l’impact que cela aura sur sa protection sociale ou sa fiscalité personnelle. Ou celui qui crée une S.L. (l’équivalent de la SARL) sans comprendre les exigences de gestion qui l’accompagnent.

La deuxième chose qu’on ne dit pas assez, c’est que l’implantation en Espagne ne se résume pas à un changement d’adresse. C’est un changement de culture professionnelle. Les différences ne sont pas seulement dans les textes de loi : elles sont dans les manières de collaborer, de recruter, de négocier, de facturer. Certains de mes clients m’ont confié leur surprise face à une forme de nonchalance apparente dans les délais, ou au contraire, à une relation client bien plus directe qu’en France. Travailler entre deux cultures, c’est un apprentissage permanent — mais aussi une richesse inestimable quand on prend le temps de l’intégrer.

C’est pour ça qu’un projet de développement en Espagne gagne toujours à être pensé dès le début dans une logique transversale. Pas comme un simple transfert, mais comme une structuration à deux têtes : un pilotage comptable et fiscal cohérent entre les deux pays, une vision stratégique qui prend en compte les deux cadres législatifs, les deux environnements humains.

En accompagnant ces projets franco-espagnols, j’ai souvent la sensation que mes clients vivent un deuxième acte de leur vie professionnelle. Ils se retrouvent à réinterroger leur rapport au travail, à la croissance, à la gestion. Ils apprennent à faire autrement, parfois à faire moins… mais mieux. Et ce n’est pas un hasard : entreprendre en Espagne, ce n’est pas juste un choix économique. C’est souvent une façon de remettre de l’intention dans le projet d’entreprise. Et ça, à mes yeux, c’est peut-être le plus beau moteur pour réussir. Le soleil attire, c’est vrai. Mais ce sont la clarté, la cohérence et l’accompagnement qui permettent à un projet de s’implanter durablement.

Ce que je retiens, en accompagnant ces trajectoires, c’est que l’Espagne n’est pas juste un décor, c’est une opportunité de repenser son business, de le faire évoluer dans un nouveau contexte… et parfois, de redonner du souffle à sa mission d’entrepreneur et de dirigeants.

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