Le mois de juin lance à Barcelone la période des grandes vacances mais aussi celle du grand chassé-croisé des Français. Tandis que des milliers d’entre eux arrivent pour tenter une nouvelle vie dans la cité catalane, nombreux sont ceux qui entreprennent le chemin inverse, rarement sans regrets. Récits.
Photo : Clémentine Laurent
Chaque été, c’est le même ballet de despedidas. Des au revoirs prévus de longue date, au terme d’un stage, d’un échange universitaire ou d’une mutation. Et des au revoirs inattendus, de ceux qu’on ne pensait jamais faire, ou du moins pas si tôt. « Nous étions venus ici pour nous installer, on a acheté un appartement et nos enfants étaient à l’école catalane pour faciliter leur intégration », raconte Julie*, la quarantaine. « Si on m’avait demandé il y a six mois, j’aurais dit que je ne rentrerai jamais en France ». Mais voilà, tout juste trois ans après son arrivée, la famille s’apprête à préparer de nouveau ses cartons, direction la Haute-Savoie. Une décision compliquée, mais « qu’il fallait prendre maintenant ».
Le déclic, son mari et elle l’ont eu en mai. Leur fils de 11 ans, qui a des difficultés d’apprentissage, peine à jongler au quotidien avec trois langues. « On sentait qu’il allait être bloqué dans sa scolarité ». Le garçon demande à entrer au Lycée français, mais à 7000 euros l’année, le couple, qui a deux autres enfants, n’a pas les moyens. « Je ne critique pas, nous sommes à l’étranger, c’est une école internationale, c’est normal qu’elle ait un certain coût, et c’est trop cher pour nous ». Mais voilà, la fin de l’année scolaire approche, et il fallait prendre la décision maintenant, ou attendre un an de plus.
Si la priorité du couple est portée sur les enfants, un autre élément a facilité le choix du départ : les perspectives professionnelles. « Il y a un plafond de verre sur les salaires à Barcelone, et si tu n’es pas Espagnol, certaines opportunités se ferment à toi », explique Julie, qui travaille d’ailleurs dans les ressources humaines. Son mari va donc se rapprocher du bureau suisse de son entreprise, embarquant sa famille dans un retour en France un peu particulier, puisqu’aucun ne connait la région. « C’est comme une nouvelle expatriation ».
« Barcelone, c’est ma ville »
Pour Camille, le retour sera moins rude : la jeune Parisienne rentre chez elle. A 28 ans, dont 2 à Barcelone, cette chargée de communication se retrouve, elle aussi, coincée dans sa carrière. « J’ai fait mes études et mes premières expériences en France, je vois bien que ça compte moins ici, et qu’il me manque des codes ». Elle avait déménagé sur un coup de coeur, a vite trouvé un poste dans un call center puis a envoyé des dizaines de candidatures. « Je pense que le marché est saturé, et qu’on préférera toujours un natif à une Française ». Pourtant, elle a persévéré, mais depuis de nombreux mois, sa famille et ses amis la mettent devant l’évidence : comment justifiera-t-elle un tel trou dans son CV face à de futurs recruteurs ? « Si je reste un an de plus ici, c’est clair que ça va devenir compliqué de trouver un emploi dans ma branche en France ».
Mais la jeune femme avait fait sa vie ici, construit ses amitiés, pris ses habitudes. « Barcelone, c’est ma ville, c’est là que je me sens épanouie et ça va être dur de quitter mes amis ». Alors, elle l’espère, elle retentera l’expérience dans quelques années, avec un peu plus de cordes professionnelles à son arc, ou pourquoi pas une mutation.
Pour Julie, pas question non plus de dire adieu à Barcelone. « Ça reste notre ville de coeur, on reviendra peut-être dans quelques années, quand les enfants seront plus grands, ou au pire à la retraite ! » Pour cette freelance, c’est une nouvelle page professionnelle qui va s’écrire également. Il faudra repartir à zéro, dire au revoir à tout un réseau construit à Barcelone, et puis surtout laisser derrière soi de belles amitiés. « Ça va être un peu dur, il faut qu’on organise quelque chose pour dire au revoir à tout le monde, mais on sait que les vrais amis, on ne les perdra pas ». Alors même la tête dans le rétro-planning du départ, elle pense déjà à son prochain séjour catalan. « Je pense qu’en février, on en aura marre de la neige, et qu’on va prendre nos billets bien en avance pour venir ici ! »
*prénom d’emprunt