Cet été, Equinox rouvre les dossiers criminels les plus marquants d’Espagne. Enquêtes glaçantes, disparitions mystérieuses, procès médiatiques : retour sur ces histoires vraies qui fascinent autant qu’elles dérangent.
C’est notre série estivale, avec un nouvel épisode tous les dimanches.
« Sadique et machiavélique », ce sont les termes employés par les experts pour décrire Montserrat N. Derrière une façade sans histoire, cette quarantenaire a été jugée en juin 2025 pour avoir torturé et assassiné son compagnon Aleix Álvarez, à Ripollet, en avril 2023. Une affaire hors norme, révélant un engrenage de violences psychologiques et physiques minutieusement orchestré.
Aleix Álvarez Prieto a 43 ans. Il est père d’un adolescent et travaille comme responsable logistique dans une entreprise de transport. D’un tempérament réservé et loyal, il mène une vie modeste à Ripollet, en périphérie de Barcelone. À l’automne 2022, il reprend contact avec une ancienne relation, Montserrat N., une femme de 45 ans, qui prépare alors le concours d’entrée aux Mossos d’Esquadra. Elle est sans logement fixe, et lui demande donc un possible hébergement. Il accepte. C’est ainsi que tout commence.
La descente aux enfers
Montserrat N. n’est pas une inconnue dans l’entourage d’Aleix. Derrière cette image disciplinée, droite et ambitieuse se cache une « folle », comme la décrit Javier Magdaleno Rodríguez, le meilleur ami de la victime. « Je l’ai prévenu la première fois que je l’ai vue. Aleix, je n’aime pas du tout cette femme. Je ne lui fais pas confiance. »
Dès le début de leur cohabitation, quelque chose cloche. Aleix se referme. Il s’éloigne de ses proches, de ses collègues, de son fils. Il paraît anxieux, amaigri, parfois marqué physiquement. À ses proches, il évoque des petites disputes, rien de bien méchant. Mais dans l’intimité, la descente aux enfers est déjà bien enclenchée.
Montserrat prend progressivement le contrôle total de son quotidien : elle surveille ses appels, lit ses messages, envoie des messages a son meilleur ami. Pire. Elle va le priver de sommeil, le forcer à dormir à même le sol, l’humilier, l’enregistrer, le filmer. Dans son téléphone, les enquêteurs retrouveront plus de 630 000 fichiers audio et vidéo, preuves d’un harcèlement calculé, obsessionnel. Certaines vidéos montrent Aleix en larmes, contraint de se filmer en train de demander pardon pour des fautes qu’il n’a pas commises. Montserrat ne s’arrête pas la, elle va jusqu’à évoquer l’idée de faire du mal à son fils s’il tente de rompre. Un jour, Aleix confie à un collègue : « Elle me tuera. » Cette phrase résonnera cruellement quelques semaines plus tard.
Le coup fatal
Domicile d’Aleix, le 7 avril 2023, en fin de journée. Montserrat compose le numéro d’urgence. À l’arrivée des secours, elle explique qu’Aleix s’est suicidé, qu’il s’est poignardé lui-même au niveau du thorax. Les agents trouvent le corps allongé sur le sol, le torse transpercé par un coup profond. L’arme est posée à côté, étrangement propre. La scène ne convainc pas les enquêteurs.
Très vite, les experts médico-légaux écartent l’hypothèse du suicide. L’angle de la blessure, l’état de la victime, la position du corps : tout contredit la version donnée. D’autant que l’arme a été soigneusement lavée.
Le décès d’Aleix ne fut pas brutal, il fut préparé. Il est la conséquence directe d’un processus de domination et de destruction progressive. Ce 7 avril, elle a porté le coup fatal. Mais elle avait déjà tué bien avant : à coups de mots, de manipulations, de souffrance.
Une femme sans remords
L’enquête révèle un profil psychologique glaçant. L’expert psychiatre mandaté par le tribunal décrit chez Montserrat les traits de personnalité très sombres : narcissisme, machiavélisme, psychopathie et sadisme. Un cas très rare, typique de certains profils criminels. Elle ne présente aucun remords, aucune empathie, aucun affect. Interrogée pendant le procès, elle nie le meurtre : « Je ne me souviens pas d’avoir pris le couteau, ni de l’avoir planté. Je ne me souviens de rien », déclare-t-elle face au jury, selon nos confrères d’El Pais. Mais ses gestes, eux, sont sans équivoque. Elle a lavé l’arme. Elle a dissimulé les traces. Elle a attendu.
À la barre, les proches d’Aleix livrent un portrait bouleversant d’un homme tombé dans un piège psychologique complexe, broyé par une relation toxique où la peur l’a petit à petit privé de toute capacité de fuite.
Le 9 juillet 2025, après deux semaines de procès, le jury populaire déclare Montserrat coupable d’assassinat avec préméditation, de violences habituelles, de menaces graves et de blessures. Le ministère public requiert une peine de 38 ans de prison. Il demande également l’interdiction pour l’accusée d’entrer en contact avec le fils de la victime pendant dix ans, et le versement de 520 000 euros de dommages et intérêts aux proches. Elle est aujourd’hui détenue à la prison de Brians, à Sant Esteve Sesrovires, dans la région métropolitaine de Barcelone.
Aleix Álvarez est mort seul, dans le silence. Il n’a jamais porté plainte. Il a supporté, caché, espéré. Comme beaucoup d’hommes victimes de violences conjugales, il a cru que cela s’arrangerait. Il a cru qu’elle changerait. Ce n’est jamais arrivé.