L’été n’est pas seulement synonyme de tranquillité, ou en tout cas pas à Barcelone. Entre cambriolages et squats, les Catalans s’équipent et s’organisent pour protéger leur logement en leur absence.
Quand Elegance chantait « Vacances, j’oublie tout » en 1992, une chose est sûre : le groupe n’habitait pas Barcelone. Car si quitter son chez-soi, ses habitudes et le confort de sa maison peut donner du stress à n’importe qui, la sensation se transforme chez les Barcelonais en véritable angoisse. Les chiffres sont éloquents : selon une étude publiée par la marque Ring, filiale d’Amazon, 79 % des Catalans interrogés ont du mal à se détendre lorsqu’ils quittent leur domicile pour partir en vacances.
C’est le cas de Clara (le prénom a été changé), 30 ans, secrétaire, qui habite avec son compagnon dans le quartier de Fort Pienc. Chaque été, leur départ en vacances se prépare comme une opération logistique de grande ampleur. « Ce qui nous fait le plus peur, ce n’est pas tant de se faire cambrioler que de retrouver notre appartement occupé, avec tous nos effets personnels à l’intérieur », confie‑t‑elle.
Comme beaucoup, cette Catalane s’adapte. Prêter l’appartement à des amis en vacances, proposer le logement à une connaissance qui travaille en ville… Cette année, c’est une amie qui y vit pendant leur absence. « Elle habite en dehors de la ville, mais travaille à Gràcia. Donc pour elle c’est plus pratique, et pour nous, c’est rassurant. »
En complément, le couple a installé une caméra de surveillance connectée, qu’ils activent à distance depuis leur téléphone. « Ça ne coûte pas très cher, et quand personne ne peut venir, au moins on peut vérifier que tout va bien. » Ils font partie des 36 % de Catalans qui utilisent aujourd’hui des dispositifs intelligents pour surveiller leur logement. Un chiffre en hausse, alimenté par la peur croissante des intrusions. 72 % des personnes interrogées citent la sécurité comme leur principale inquiétude pendant les congés.
Le problème de l’okupación, ou occupation illégale de logement qui donne des sueurs froides à Clara est particulièrement sensible en Catalogne. En 2024, l’Espagne a enregistré plus de 16 400 cas, dont 42,6 % en Catalogne, faisant de la région la plus touchée du pays par ce type d’infractions.
« On ne sort plus sur la terrasse »
Plus loin dans la ville, ce ne sont pas les squatteurs qui posent problème, mais les voleurs. À Nou Barris, dans le quartier de Virrei Amat, Alex‑Dídac, 43 ans, administrateur systèmes, vit avec sa femme dans un ático. Un logement au dernier étage, donnant sur une terrasse partagée. L’été dernier, un épisode a transformé leur quotidien. « On allait sortir quand quelqu’un a sonné. On n’a pas ouvert, on n’attendait personne. Dix minutes plus tard, on voit deux hommes débarquer sur notre terrasse depuis le toit. On les a entendus dire : ‘Il y a des gens, partons !’ L’un d’eux est passé par notre appartement en détruisant tout sur son passage. »
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Depuis, la peur s’est installée, même sans partir en vacances. Impossible pour le couple de profiter de la terrasse. « À 5 h du matin, dès qu’un bruit se fait entendre, on se réveille. Même les pigeons nous mettent en alerte. » Malgré les demandes répétées pour sécuriser l’accès commun, le syndic refuse de changer quoi que ce soit, estimant que « c’est comme ça quand on vit dans un ático ».
Le couple a donc investi : une caméra extérieure sur la terrasse, une autre à l’intérieur, et une troisième, plus discrète, dans l’oeil de boeuf. « Elle prend une photo dès qu’une personne reste plus de trois secondes devant, et envoie une alerte si quelqu’un essaie d’ouvrir. On peut même parler à distance. » Coût de l’appareil : entre 90 et 100 euros. Leur modèle envoie les images directement dans le cloud, sans carte mémoire et en cas d’intrusion, ils pourront transmettre les images à la police. Tout ce dispositif leur permet de partir en vacances plus ou moins sereins.
Un problème généralisé
Mais le climat de peur dépasse les murs de leur appartement. Alex‑Dídac a déjà assisté à une tentative de vol dans sa rue. « J’ai voulu intervenir, mais le gars m’a frappé. » Selon les données officielles, Barcelone a enregistré en 2024 près de 155 682 infractions contre le patrimoine, dont plus de la moitié sont des vols. Seul rayon de soleil : pour la première fois depuis des années, les cambriolages plafonnaient sous la barre des 100 000.
Pour Alex‑Dídac, ces statistiques ne rassurent pas. Son épouse polonaise compare la situation à celle de ses parents installés en Norvège, où l’insécurité n’existe presque pas. Fatigués, ils envisagent de quitter Barcelone pour Mataró ou Manresa. « On a pas envie de partir, moi je suis né ici. Mais on en peut plus. C’est juste fou, d’être dans sa propre maison et de ne pas se sentir en sécurité. «