À Barcelone, les colocations fleurissent, mais toutes ne respectent pas les règles. Contrats absents, loyers inégaux, hausses abusives… Voici quelques situations courantes vécues par des locataires dans la capitale catalane, avec un point sur ce que dit la loi.
Photo : Clémentine Laurent
« Je n’ai jamais signé de contrat. »
De nombreux locataires emménagent en colocation sans jamais signer de contrat écrit. Or, sans bail, aucune relation locative n’est officiellement reconnue. Cette situation expose l’occupant à un risque important : il peut être expulsé à tout moment, sans préavis ni recours. Le propriétaire, quant à lui, agit en dehors du cadre légal. Un contrat de location, même en colocation, est pourtant obligatoire dès lors qu’un loyer est versé.
« Le propriétaire a décidé d’augmenter mon loyer ! »
En Espagne, l’augmentation du loyer est strictement encadrée. Elle ne peut avoir lieu qu’une fois par an, uniquement si le contrat en cours le prévoit. Depuis 2023, un plafond d’augmentation a été fixé par le gouvernement, en lien avec l’indice des prix à la consommation (IPC). Toute hausse décidée unilatéralement, sans modification contractuelle, est donc illégale. Si le propriétaire décide de le faire, le locataire est en droit de refuser et de demander un respect strict du contrat initial.
« Je ne paie pas la même somme que mes colocataires. »
Dans les colocations avec contrats individuels, il est légal que le montant du loyer varie selon les chambres, en fonction de critères objectifs : superficie, exposition, salle de bain privée, etc. En revanche, si les colocataires partagent un bail unique, les charges devraient être réparties de manière équitable. Un déséquilibre injustifié dans la répartition du loyer peut être contesté, notamment s’il résulte d’un arrangement verbal ou d’une pression de la part d’un des cohabitants ou du propriétaire. Il est conseillé de formaliser les conditions de répartition par écrit.
« Le propriétaire refuse que je déclare la caution ou me la rend en liquide… »
En Catalogne, la loi impose au propriétaire de déposer la caution (équivalente à un mois de loyer pour un contrat standard) auprès de l’Institut Català del Sòl (INCASÒL), qui la conservera jusqu’à la fin du bail. Ce dépôt est une obligation légale, destinée à encadrer les litiges liés à la restitution de la garantie. En pratique, de nombreux propriétaires contournent cette règle en conservant la caution eux-mêmes et en la rendant en liquide, souvent sans justificatif. Si la somme est versée sans reçu ni virement bancaire, le locataire se retrouve sans preuve en cas de conflit. Il est donc fortement conseillé d’exiger une trace écrite du paiement, par virement ou BIZUM, même si le propriétaire insiste pour un règlement en espèces.
« On me demande un loyer en espèces chaque mois. »
Le paiement du loyer en espèces n’est pas interdit en soi, mais il soulève plusieurs problèmes. D’abord, il ne laisse aucune trace en cas de litige. Ensuite, il peut être utilisé par certains propriétaires pour échapper à la déclaration fiscale des revenus locatifs. En Espagne, la loi impose un plafond pour les paiements en liquide dans les transactions entre particuliers (actuellement 1 000 euros), afin de lutter contre la fraude. Si le montant dépasse ce seuil, le paiement doit obligatoirement se faire par voie électronique ou chèque. Pour le locataire, refuser le paiement en liquide est un droit. Exiger un reçu signé ou privilégier un virement bancaire permet de garantir la transparence de la relation contractuelle.
Bonus – « Je n’ai pas de contrat, mais on me dit que je peux faire l’empadronamiento… C’est vrai ? »
L’inscription au registre municipal (empadronamiento) est un droit pour toute personne résidant en Espagne, quelle que soit sa situation locative. La loi prévoit que l’absence de contrat ne peut justifier un refus d’inscription. En pratique, les municipalités peuvent demander une attestation d’hébergement signée par une personne déjà empadronnée à l’adresse, ou une déclaration sur l’honneur. Même en cas de sous-location ou de situation précaire, les services municipaux doivent enregistrer la demande. L’empadronamiento est essentiel pour accéder à la santé publique, à l’éducation ou aux prestations sociales.