La fin du royaume des call centers à Barcelone

Call center à Barcelone

Longtemps eldorado des expatriés multilingues, les call centers de Barcelone licencient, délocalisent et peinent à attirer la nouvelle génération. Entre salaires figés, coût de la vie en flèche et révolution de l’IA, le modèle qui a prospéré pendant vingt ans vacille.

Photos : mairie de Barcelone

Depuis plusieurs mois, le mirage des call centers à Barcelone s’éteint. Ce royaume longtemps prisé par les expatriés multilingues et incarné par des marques comme Meta, Dyson, Lee Cooper ou Withings s’effrite sous l’effet combiné de salaires qui stagnent, d’une vie locale trop chère et de la montée de l’intelligence artificielle. C’est bien le constat amer que dresse Irène (le prénom a été changé), employée chez Papernest : « Les salaires proposés en call center sont trop bas comparés au niveau de vie à Barcelone, mais on recrute toujours autant.  »

Dans les centres d’appel barcelonais, les salaires fixes plafonnent souvent entre 18 000 et 21 000 € brut annuels, avec un variable réservé aux meilleurs éléments. Ces rémunérations modestes ne suffisent pas face au coût de la vie dans la ville. À titre de comparaison, le loyer pour un appartement d’une chambre coûte généralement entre 900 et 1 000 €/mois, et peut monter jusqu’à 1 500 €/mois dans les quartiers prisés.

Ajoutez 150 € pour les courses, 40 € de transports public, 100-150 € de loisirs, et le budget mensuel dépasse facilement 1 200 € pour une personne seule. Même un contrat proposant un salaire de 27 000 € brut/an (environ 1 700 € net mensuel) ne permet pas une vie confortable sans colocation ou sacrifice important, assurent plusieurs témoignages d’expatriés.

Les conditions de travail sont donc difficiles, si tant est qu’il y ait du travail. Car, comme décrit dans un article précédent, les géants comme Meta ont fermé leurs centres de modération à Barcelone, tandis que CPM et d’autres prestataires licencient à grande échelle. Le patronat évoque le transfert progressif des tâches vers l’Inde, facilité par les outils IA de traduction simultanée et des bots chat ou mail multilingues. Le recours à l’externalisation est déjà en cours chez Papernest, selon Irène : « On externalise beaucoup avec des call centers au Maghreb ».

Lire aussi : Call centers à Barcelone : vague de licenciements et avenir incertain pour les Français

Un autre facteur réduit encore le nombre de postes proposés : l’intelligence artificielle. La vague d’IA transforme profondément le secteur. Un cadre de call center évoquait pour Equinox l’émergence rapide de programmes vocaux de traduction simultanée, à terme, presque autant utilisés que l’humain. Seuls des profils plus qualifiés et à forte valeur ajoutée sortiront du lot, via des formations internes qui réorganisent les équipes.

Quelles perspectives ?

Le modèle des call centers centré sur des expatriés multilingues à Barcelone était viable pendant deux décennies, offrant des salaires supérieurs aux postes locaux et sans besoin d’espagnol, bref, l’idéal pour les nouveaux expats.

Mais ce temps est révolu. Les salaires plafonnés mais aussi les conditions de travail dégradées chassent les intéressés, évoque encore Irène : « En call center, tu es contrôlé sur tes pauses, tu finis tard, tu travailles parfois le samedi… Bref, des conditions pourries pour la Gen Z. » Côté employeur, la montée de l’IA et l’externalisation bloquent les recrutements. Tous ces facteurs créent un cocktail de circonstances rendant impossible la vie des call centers à Barcelone.

La tech à Barcelone n'est plus ce qu'elle était.

Un futur reste pourtant possible . Les employeurs auront toujours besoin de personnes multilingues, mais plus qualifiés qu’aujourd’hui. Encore faudra-t-il convaincre une Gen Z qui refuse de travailler pour des miettes de pain.

Sans hausse des salaires ni vrais avantages, les expatriés de demain ne viendront pas poser leurs valises longtemps, et face à l’IA, ils ne pourront se contenter de maitriser « seulement » quelques langues. L’eldorado des call centers appartient déjà au passé, mais de nouvelles structures pourraient bien voir le jour : seul l’avenir nous dira de quoi elles seront faites.

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