Et si la culture sauvait Barcelone du tourisme de masse ?

Equinox Barcelone Joan Miró

À Barcelone, on croule sous le tourisme de masse, mais les musées restent relativement vides. Un paradoxe que la mairie veut inverser, en rêvant d’un virage culturel massif pour attirer un public plus calme et plus curieux. Un pari encore loin d’être gagné.

Photo de couverture : Fondation Joan Miró

Dans la capitale catalane, les chiffres du tourisme donnent le vertige. En 2024, plus de 15 millions de visiteurs ont arpenté ses ruelles, ses plages et ses avenues modernistes. Une affluence record, pour une ville qui ne compte que 1,6 million d’habitants. Dès le printemps, la ville commence à suffoquer. Dans le Gótic, les groupes organisés se succèdent à quelques minutes d’intervalle tandis que sur les plages, les serviettes se chevauchent.

Pourtant, à quelques mètres de ces zones saturées, le calme. Celui des musées, encore largement épargnés par cette frénésie estivale. En 2024, les principaux établissements muséaux de la ville ont accueilli environ 5 millions de visiteurs, dont seulement trois millions de touristes. Soit moins d’un quart des vacanciers présents sur le territoire. Une anomalie dans une métropole qui mise massivement sur le tourisme pour alimenter son économie (environ 14 % du PIB) mais qui peine encore à convertir cette manne en dynamisme culturel visible.

Lire aussi : 3 endroits, 200 000 touristes : le problème de Barcelone

Car l’offre muséale existe, mais reste éclatée. Pour ne citer qu’eux, le Musée national d’art de Catalogne (MNAC) reste centré sur les collections régionales tandis que le Musée d’art contemporain (MACBA) est en quête de repositionnement : aucun ne fait aujourd’hui autorité dans le champ de l’art contemporain international. Les grandes expositions sont rares, les projets d’envergure, encore plus. À la différence de Madrid ou de Paris, Barcelone ne peut s’appuyer sur de puissants musées nationaux pour structurer son image culturelle.

De meilleurs touristes ?

Le modèle touristique barcelonais repose encore largement sur une image de ville festive et balnéaire, renforcée par l’attractivité de son climat, de son architecture moderniste, et de sa vie nocturne. C’est ce cocktail qui attire les foules. Enterrements de vie de jeune fille, barathons organisés, nuisances sonores, embouteillages humains dans les quartiers historiques… Le phénomène est désormais largement dénoncé, aussi bien par les habitants que par les urbanistes : le problème n’est pas tant le nombre de touristes que leur concentration au même endroit, au même moment.

Face à ce déséquilibre croissant, la mairie tente un changement de cap.  « On ne veut pas plus de touristes, mais des meilleurs », déclarait Mateu Hernández, directeur général du Consortium public/privé Tourisme de Barcelone en décembre dernier lors de la présentation du programme touristique pour 2025. Traduction : un public plus respectueux, au pouvoir d’achat plus élevé, et intéressé par d’autres dimensions que la fête et la plage. Dans ce contexte, la culture est brandie comme l’un des leviers de transformation.

7F2A8031 scaled

Photo : LS / Equinox

Lors de cette même conférence, le plan Barcelona Art Season a été présenté comme un outil pour améliorer l’attractivité muséale : meilleure coordination entre établissements, communication renforcée, montée en gamme des expositions. L’objectif affiché est clair, il s’agit de faire de l’offre muséale un moteur touristique à part entière, capable de rééquilibrer les flux et d’attirer un autre type de public.

Mais entre l’intention politique et la réalité du terrain, l’écart reste important. Jusqu’ici, peu d’actions concrètes ont été mises en place. Le projet Art Season s’est limité à une conférence d’annonce et une présence à la foire ARCO. Rien qui puisse faire basculer l’image de la ville ou son modèle économique.

Barcelone reste avant tout une ville où l’on déambule. L’expérience urbaine se vit dans la rue, en terrasse, dans les marchés ou face aux façades colorées. Cette identité forte associée à la douceur du climat fait de la ville un musée à ciel ouvert, au détriment de ses salles d’expositions, souvent reléguées au second plan.

Recommandé pour vous