Colivings et espaces partagés : face à la pression immobilière, Barcelone s’organise

À Barcelone, face à la crise du logement, colivings, coopératives et espaces partagés se multiplient. Des solutions souvent contraintes, mais qui réinventent la vie urbaine.

Photos : Milena Villalba

Barcelone, août 2025. Dans une ville où le prix du logement grimpe inexorablement, trouver un toit décent relève souvent du parcours du combattant. Pour beaucoup et particulièrement les jeunes – seulement 16 % des Espagnols entre 18 et 29 ans peuvent assumer un loyer – les solutions traditionnelles ont volé en éclats, poussant habitants et nouveaux arrivants à explorer des alternatives parfois contraignantes, coûteuses, voire en marge de la légalité.

Maxime (le prénom a été changé), 25 ans, est un exemple de cette génération forcée de s’adapter. Arrivé à Barcelone il y a 2 ans, ce Français a opté pour un coliving au cœur de l’Eixample, pas vraiment par choix : « Je n’avais pas d’autre option, venant d’arriver à Barcelone sans plan ni connexion. J’étais en Airbnb pour les 3 premiers jours et j’ai pris le premier appartement qui me semblait honnête et disponible. »

Arrivé sur place, c’est la douche froide : il doit payer 850 euros en espèces une chambre bien agencée (mais qui reste une chambre), il n’y a pas de vie de coloc car pas d’espace en commun, et le propriétaire vit dans l’appartement. Pour Maxime, le coliving est moins un mode de vie qu’une nécessité dictée par la pénurie et les prix prohibitifs.

Equinox Barcelone appartement

Ce témoignage illustre la double réalité des colivings, qui se développent rapidement à Barcelone comme dans toute l’Espagne. Ce modèle, né dans des villes à forte pression immobilière en Europe du Nord et aux États-Unis, promet flexibilité et socialisation, souvent vendues comme des atouts pour une population jeune, mobile, et parfois précaire. En Espagne, plus de 20 000 lits sont désormais proposés sous cette formule, avec un investissement qui dépasse les 500 millions d’euros.

Pourtant, cette popularité a ses revers. Derrière l’image conviviale, le coliving est souvent géré par des fonds privés ou des entreprises à but lucratif, qui maximisent leurs profits au détriment du confort des résidents. Ces espaces restent chers, avec des conditions parfois opaques, et ne garantissent ni stabilité ni qualité de vie à long terme.

Des espaces de partage écologiques

Face à cela, d’autres modèles se développent en Catalogne, à commencer par le cohousing et les coopératives d’habitation. Ces solutions rejettent la logique marchande du coliving pour privilégier la coopération et la durabilité. Le cohousing combine logements privés avec cuisine et salle de bain et espaces communs pensés pour renforcer le tissu social. Il s’appuie souvent sur des initiatives associatives ou coopératives, sans rechercher la rentabilité financière.

Plus structuré encore, le modèle de la coopérative d’habitation en « cession d’usage » garantit un droit d’usage plutôt qu’une propriété classique. Ici, la gestion est démocratique, les loyers fixés au prix de revient, et les projets intègrent souvent des critères écologiques stricts, comme le recyclage de l’eau ou l’efficacité énergétique. En Catalogne, ce secteur a connu une croissance de 53 % depuis 2016, avec près de 1 200 logements répartis dans 67 bâtiments, incluant des projets emblématiques comme La Balma à Barcelone ou le bâtiment en bois de Cirerers.

Lire aussi : A Barcelone, les immeubles du futur sont déjà une réalité (et c’est surprenant)

Des initiatives qui démontrent que même au cœur d’une crise immobilière tendue, il est possible de réinventer la manière d’habiter. Le coliving reste toutefois une solution d’urgence souvent coûteuse et imparfaite, même si on y trouve certains points positifs, continue Maxime, qui cite la localisation et la gentillesse des colocs « le peu de fois où [il] les a vus ». Depuis, le Nantais s’est installé en coloc – une vraie, cette fois – avec un ami, et il n’y a pas photo, c’est beaucoup mieux.

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