Oeuvre de deux Français, l’architecte Jean Nouvel et le plasticien Yann Kersalé, la tour Glòries fête ses 20 ans. D’abord critiquée, elle s’est finalement imposée comme un incontournable de la skyline barcelonaise, dans la ville et bien au-delà.
Quelques jours avant son 20e anniversaire, la Torre Glòres entre dans la cour des grands. Elle a accueilli début septembre la 36e édition de la World Federation of Great Towers. Un événement qui réunit les représentants des 74 gratte-ciel les plus emblématiques du monde, comme la Tour Eiffel, le Top of the Rock à New York ou les Petronas en Malaisie. Une consécration pour cet édifice singulier longtemps perçu comme un OVNI architectural, ironiquement surnommé « le suppositoire » et aujourd’hui élevé au rang d’icône.
L’événement tombe à un moment stratégique : Barcelone se prépare à devenir capitale mondiale de l’architecture en 2026. En accueillant ce sommet international, la ville consolide son positionnement global comme référence en matière de design urbain, d’innovation architecturale et de tourisme culturel.
Pour Aleix Pratdepàdua, directeur du Mirador Torre Glòries, cette reconnaissance a une portée qui dépasse la simple visibilité. “C’est un honneur, bien sûr, mais cela implique aussi une exigence. Nous sommes désormais attendus au niveau des meilleurs, il faut continuer à innover”, explique-t-il. Depuis son ouverture au public en mai 2022, le mirador a attiré plus de 350 000 visiteurs, séduit par une proposition qui ne se limite pas à la vue panoramique, mais propose un parcours immersif sur Barcelone comme organisme vivant. Données, art numérique, installations sensorielles : tout est pensé pour que le visiteur entre en contact avec la ville avant même de la voir.
Jeu de lumières et de couleurs
Avec ses 145 mètres de hauteur, l’édifice délimite l’entrée du 22@, le nouveau quartier des affaires de Barcelone. Il a d’abord accueilli la société des eaux, qui lui donna son premier nom : Torre Agbar. Après le départ d’Agbar, elle fut rebaptisée Glòries, du nom de la place adjacente. Imaginée par les Français Jean Nouvel et Yann Kersalé, la tour se distingue tout particulièrement par son impressionnant éclairage bleu et rouge. Sa conception a été influencée par deux symboles de la culture catalane : la Sagrada Familia de Gaudí et le massif montagneux de Monserrat qui a inspiré sa forme allongée. La bâtisse est recouverte de plus de 4500 fenêtres rectangulaires creuses couvertes par 56.619 lamelles de verre translucide.
D’après le cabinet d’architecte Jean Nouvel, le bleu serait une analogie de l’eau et une référence faite au groupe Agbar, qui a supervisé l’ouvrage de la tour. L’artiste aurait ainsi voulu donner l’impression d’un geyser émanant de la terre pour finalement atteindre le ciel bleuté de la capitale catalane. Le rouge orangé fait quant à lui écho à la terre volcanique qui fait le lit du geyser et se présente comme un hommage aux pierres du Montserrat.
La tour dispose de plus de 4500 dispositifs lumineux (LED) qui permettent de diffuser cette palette de rouge et de bleu. Un travail technique pensé par le plasticien Yann Kersalé qui a souhaité que la tour décompose la lumière de sa base jusqu’à son sommet. « La tour a la forme d’un prisme comme une tablette de Toblerone en lamelles de verre. Lorsque la lumière passe à travers ce prisme en verre, son rayon se décompose alors en un spectre de couleur » explique l’artiste. Un spectre devenu emblématique de la skyline de Barcelone… même si Jean Nouvel, de son côté, regrette que la tour ne soit pas davantage nettoyée afin de briller encore davantage.