Retraites en Espagne : un rapport alerte sur un âge légal à 68 ans

En Espagne, la réforme des retraites n’est plus une hypothèse, c’est une nécessité. Une récente étude publiée sonne l’alarme : sans changement profond, le poids des pensions sur les finances publiques deviendra insoutenable dans les prochaines décennies.

Photo : Clémentine Laurent

L’Espagne se dirige-t-elle vers une retraite à 68 ans ? C’est l’une des hypothèses avancées par une étude de CaixaBank Research qui s’attaque à un sujet sensible : comment faire face au choc démographique et garantir le financement des pensions à long terme. Le constat est partagé par de nombreux experts : le vieillissement de la population exercera une pression croissante sur les finances publiques, et le système espagnol, plus généreux que la moyenne européenne, n’y échappera pas.

En Espagne, l’entrée dans la retraite de la génération du baby-boom aura lieu plus tard qu’ailleurs en Europe, concentrant le pic des dépenses entre 2045 et 2050. Selon l’Airef (Autorité indépendante de responsabilité fiscale), les dépenses liées au vieillissement pourraient augmenter de plus de cinq points de PIB d’ici 2050. Et les cotisations, elles, ne couvriraient qu’une partie de cette hausse. Résultat : un déséquilibre estimé à 2,3 points de PIB.

Face à cette impasse budgétaire, le rapport identifie trois leviers d’action. Le premier est l’extension de la vie active. L’étude recommande d’augmenter le taux d’emploi des 55-74 ans, qui stagne actuellement à 54 %, avec un objectif ambitieux de 70 % à l’horizon 2050. Cela impliquerait de prolonger l’activité professionnelle au-delà de l’âge légal de départ, mais aussi de favoriser des dispositifs de retraite progressive ou de cumul emploi-pension. « Si l’Espagne atteignait la performance de l’Allemagne dans cette tranche d’âge, elle pourrait économiser jusqu’à 0,7 point de PIB », souligne Javier García-Arenas, économiste à CaixaBank.

Productivité et immigration comme leviers

Autre mesure proposée : lier l’âge de départ à la retraite à l’espérance de vie. Le rapport suggère ainsi un relèvement progressif de l’âge légal jusqu’à 68,2 ans en 2050, contre 66,2 ans aujourd’hui. Un tel ajustement permettrait d’alléger la facture des pensions de 0,5 point de PIB, mais nécessiterait un large consensus politique. Deuxième levier : la productivité. Ici, les marges sont moins évidentes, mais CaixaBank parie sur l’essor de l’intelligence artificielle pour soutenir la croissance sans alourdir le coût des retraites. L’incertitude reste grande, mais les gains potentiels sont estimés à un point de PIB.

Enfin, le troisième axe est migratoire. L’étude évalue qu’un solde migratoire net de 385 000 personnes par an entre 2024 et 2050 serait nécessaire pour maintenir l’équilibre du système. Un chiffre bien supérieur aux projections actuelles (275 000), qui suppose non seulement d’attirer, mais surtout d’intégrer durablement cette population active dans le tissu économique espagnol. « C’est une équation à trois inconnues, comme une chaise à trois pieds : si l’un cède, l’ensemble s’effondre », conclut García-Arenas. L’Espagne a déjà mené à bien sa réforme des retraites avec un allongement progressif de l’âge de départ. Il est actuellement fixé à 66 ans et 8 mois, pour atteindre 67 ans en 2027.

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