Travailler entre la France et l’Espagne attire de plus en plus de professionnels, mais la question de la retraite reste souvent floue. Entre législations nationales et règles européennes, chaque année de travail compte, mais pas toujours de la même façon selon le pays.
Photos : Clémentine Laurent
Entre systèmes nationaux et règles européennes, le calcul des pensions peut sembler compliqué. Pourtant, il existe des mécanismes pour que toutes les années travaillées soient reconnues, quelle que soit la frontière franchie. Connaître ces mécanismes est indispensable pour organiser sa retraite sans surprise et profiter pleinement de cette nouvelle étape de la vie.
Coordination de la retraite entre la France et l’Espagne
La France et l’Espagne sont toutes deux membres de l’Union européenne et appliquent les règlements (CE) n°883/2004 et n°987/2009 relatifs à la sécurité sociale. Comme il n’existe pas d’accord bilatéral spécifique entre les deux pays, la retraite est calculée séparément dans chacun d’eux : la France sur les périodes cotisées sur son territoire, et l’Espagne sur les périodes cotisées localement. Chaque pays prend en compte les périodes cotisées, y compris les interruptions pour maladie, maternité, invalidité, service militaire ou chômage. En cas de détachement, l’entreprise continue de cotiser au régime général français et la retraite est calculée comme si la personne n’avait jamais quitté la France.
Les règlements européens introduisent deux principes essentiels : la totalisation des périodes, qui permet de cumuler toutes les années travaillées dans différents États membres pour ouvrir les droits à la retraite, et la proratisation des pensions, selon laquelle chaque pays verse une pension proportionnelle aux années cotisées sur son territoire. Par exemple, 15 ans travaillés en France et 10 ans en Espagne donnent droit à une retraite française pour 15 ans et une retraite espagnole pour 10 ans. Résultat : aucune année cotisée n’est perdue.
Calcul de la retraite en France
En France, le montant de la retraite dépend du salaire annuel moyen et du nombre de trimestres validés au cours de votre carrière. Le salaire de référence est calculé sur les 25 meilleures années de revenus, dans la limite du plafond de la Sécurité sociale. Pour bénéficier d’une retraite à taux plein, les personnes nées à partir de 1973 doivent avoir validé 172 trimestres (soit 43 ans de cotisation). Si ce nombre n’est pas atteint, une décote réduit le montant de la pension.
Chaque année cotisée contribue directement à la retraite, et seuls les revenus cotisés en France sont pris en compte. Les demandes peuvent être effectuées en ligne via l’espace personnel de l’Assurance retraite.
Calcul de la retraite en Espagne
Pour calculer sa retraite en Espagne, on commence par déterminer la base de calcul, qui correspond à la moyenne des salaires cotisés pendant les 25 dernières années. Ensuite, on applique un pourcentage qui dépend du nombre d’années travaillées : plus on a cotisé longtemps, plus ce pourcentage est élevé, jusqu’à atteindre 100 % après environ 36 ans et demi de cotisation. Le montant final dépend aussi du type de retraite choisi : retraite normale, anticipée, flexible ou partielle, chacun ayant ses règles et ajustements.
Enfin, des compléments peuvent être ajoutés si la pension est trop faible ou si l’on a des enfants, ce qui permet de recevoir un revenu minimum garanti. Pour savoir précisément combien vous pourriez toucher, vous pouvez faire une simulation en ligne et, lorsque vous êtes prêt, demander officiellement votre retraite auprès de la sécurité sociale espagnole.
Calcul de la retraite des travailleurs indépendants (autónomos)
En France, les travailleurs indépendants cotisent au régime général ou à des régimes spécifiques selon leur profession. La pension de retraite de base est calculée sur la moyenne des 25 meilleures années de revenus, avec un taux de remplacement pouvant atteindre 50 % si le nombre de trimestres requis est atteint. Une retraite complémentaire est également versée, calculée en points, dont la valeur varie selon les années de cotisation.
En Espagne, les travailleurs indépendants cotisent au Régime spécial des travailleurs indépendants (RETA). Leur pension de retraite est calculée en fonction de la base de cotisation choisie. La base réglementaire est obtenue en divisant la somme des bases de cotisation des 25 dernières années par 350. Ce montant est ensuite multiplié par un pourcentage, déterminé par le nombre d’années de cotisation, pouvant atteindre 100 % pour une carrière complète. Par exemple, un autónomo ayant cotisé à la base minimale pendant 25 ans percevra une pension de 809,40 € par mois.
Pour les travailleurs exerçant dans les deux pays, les règles européennes de coordination des régimes de sécurité sociale s’appliquent. Cela permet de totaliser les périodes de cotisation dans chaque pays pour ouvrir des droits à la retraite, sans perte d’années cotisées.
Fiscalité et résidence
La fiscalité est un aspect important à prendre en compte lorsqu’on perçoit une retraite en France et en Espagne. Pour éviter la double imposition, les deux pays ont signé une convention fiscale bilatérale. En pratique, cela signifie que vos pensions privées sont imposées dans le pays où vous êtes résident fiscal.
Par exemple, si vous vivez en Espagne, vos pensions françaises et espagnoles seront imposées uniquement en Espagne, conformément aux règles de cette convention. Il est cependant important de noter que certains prélèvements sociaux français, comme la CSG (Contribution Sociale Généralisée) et la CRDS (Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale), ne s’appliquent pas si vous êtes résident espagnol.
Ainsi, votre résidence fiscale détermine non seulement le pays qui prélève l’impôt sur vos retraites, mais peut également influencer le montant des cotisations sociales que vous devez payer. Il est donc conseillé de se renseigner à l’avance et, si nécessaire, de consulter un spécialiste pour optimiser votre situation fiscale à la retraite.