vendredi 3 octobre 2025

Espagne paralysée : un rapport européen révèle les vraies causes du black-out géant

panne electricité barcelone

La panne survenue le 28 avril dernier, qui a paralysé l’Espagne et le Portugal pendant plusieurs heures, ne relève pas d’un banal accident technique comme l’évoquait le gouvernement. Selon un rapport européen publié ce vendredi, il a découlé d’un phénomène de surtension en cascade.

Ce lundi printanier, le pays s’était brutalement figé. Les métros à l’arrêt, les commerces plongés dans le noir, les communications coupées. En quelques minutes, l’ensemble de la péninsule ibérique s’était retrouvée paralysée par une panne d’électricité massive. Cinq mois plus tard, les experts mandatés par l’ENTSO-E — le réseau européen des gestionnaires de transport d’électricité — livrent leurs premières conclusions.

Leur rapport d’étape ne cherche pas à désigner des coupables mais à comprendre les mécanismes à l’origine de ce black-out. Et ce qu’il révèle dépasse le cadre espagnol ou portugais : pour la première fois en Europe, et probablement dans le monde, une panne générale est attribuée à un phénomène de surtensions en cascade.

Jusqu’ici, les grands black-out étaient causés par un déséquilibre classique : une baisse de tension liée à une consommation supérieure à la production. Le scénario du 28 avril s’inscrit à rebours. La demi-heure qui a précédé la panne a été marquée par deux épisodes de fluctuations de puissance, de tension et de fréquence. L’excès d’énergie injectée dans le réseau a provoqué une surtension brutale, que ni les protocoles en vigueur ni les centrales connectées n’ont pu amortir.

Très vite, des unités de production ont commencé à se déconnecter en chaîne, qu’elles soient thermiques ou renouvelables. En quelques minutes, le système a basculé. « Il s’agit de la panne la plus grave qu’ait connue l’Europe depuis vingt ans, et de la première de ce type au monde », a résumé Damian Cortinas, président du conseil de l’ENTSO-E.

Un problème de régulation, pas de technologie

Le rapport insiste : le problème n’est pas technique mais réglementaire. Les moyens pour contrôler localement la tension existent déjà, et les énergies renouvelables sont en mesure de participer à cet équilibre. Mais le cadre normatif ne les mobilise pas au bon moment. Les seuils à partir desquels une intervention est exigée sont jugés trop élevés.

« La technologie est prête, mais nous devons revoir les niveaux de régulation », a affirmé Klaus Kaschnitz, coordinateur du groupe d’experts. Autrement dit : le réseau espagnol dispose des outils pour stabiliser les surtensions, mais la manière dont il est encadré juridiquement empêche d’agir à temps. Cette question n’est pas nouvelle.

Manifestation à barcelone

Dès 2020, Red Eléctrica, l’opérateur espagnol, avait demandé au régulateur une révision du protocole pour que les énergies renouvelables puissent contribuer activement au contrôle de la tension. L’alerte avait été ignorée pendant quatre ans. Ce n’est qu’en juin 2025 que la Commission nationale des marchés a validé la réforme, qui devrait entrer en application courant 2026.

Un enjeu européen

Le rapport, qualifié de « factuel », reconnaît lui-même ses limites. Certaines données n’ont pas été transmises par des acteurs privés, d’autres manquent encore. Le document final attendu pour le premier trimestre 2026 devra préciser les causes premières et proposer des recommandations concrètes. Mais déjà, l’avertissement est clair : l’Europe découvre une nouvelle vulnérabilité. À mesure que l’autoconsommation et la production décentralisée progressent, la gestion de la tension ne peut plus reposer uniquement sur les grandes centrales ou sur des décisions prises à distance. La stabilité doit être assurée localement, presque en temps réel.

Si l’incident est survenu en Espagne et au Portugal, ses enseignements concernent tout le continent. Dans un système interconnecté, un déséquilibre local peut, en théorie, se propager bien au-delà de ses frontières. La résilience du réseau dépend donc autant de la technologie que de l’adaptation rapide des cadres de régulation.

En Espagne, le black-out du 28 avril a laissé une empreinte forte dans les esprits. Pour les experts, il doit désormais servir de déclencheur politique. Car l’épisode a rappelé une évidence : dans un continent où l’électricité circule sans frontières, les vulnérabilités ne connaissent pas de limites nationales. Le rapport final, attendu début 2026, devra dire si ce risque peut être contenu.


Le black-out en vidéo :

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