À Barcelone, la croissance démographique et la saturation des centres de santé publics allongent les délais d’attente et réduisent le temps consacré à chaque patient. Face à cette pression, de plus en plus de résidents, y compris des Français expatriés, se tournent vers le privé pour accéder rapidement aux soins.
Barcelone attire toujours plus d’habitants et, avec eux, une demande croissante en soins médicaux. Pourtant, le nombre de médecins n’augmente pas au même rythme, et les centres de santé publics (CAP) peinent à suivre. Résultat : des consultations de plus en plus courtes, des listes d’attente qui s’allongent et un recours massif au privé. Entre patients impatients et professionnels surchargés, le système de santé catalan montre des signes évidents de tension, tandis que la population cherche des solutions pour continuer à se soigner correctement.
Des délais d’attente qui s’allongent
À Barcelone, le temps moyen pour obtenir un rendez-vous avec un médecin généraliste est d’environ 9 jours, tandis que pour un spécialiste, il peut s’étendre à plusieurs mois, selon le Baromètre 2025 du CIS (Centro de Investigaciones Sociológicas). Des délais qui ne cessent de s’allonger, même dans les cas urgents. Ainsi en 2019, 43% des patients parvenaient à obtenir un rendezv-sous dans les 24 heures, ils n’étaient plus que 20% à y parvenir qautre ans plus tard.
Chaque médecin généraliste reçoit en moyenne une trentaine de patients par jour. Avec une durée moyenne de consultation estimée entre 7 et 9 minutes, le temps consacré à chaque patient reste très limité, particulièrement pour les pathologies chroniques ou complexes, comme le souligne l’étude publiée par Atención Primaria. Cette durée demeure nettement inférieure à la recommandation de l’OCDE, qui préconise des consultations d’au moins 15 minutes.
Pour les soins pédiatriques, la situation est un peu différente : les délais pour les consultations chez le pédiatre sont souvent plus courts, ce qui permet aux familles d’avoir un suivi régulier. Sophie, 42 ans, mère de deux enfants et expatriée française depuis une dizaine d’années, confie avec satisfaction: « Pour mes enfants, j’ai toujours pu obtenir un rendez-vous rapidement, parfois le jour même. »
Le privé et les mutuelles : une solution coûteuse mais rapide
Pour contourner les délais, de nombreux habitants décident de souscrire à une mutuelle, qui permet d’accéder plus rapidement aux spécialistes, cliniques privées et interventions chirurgicales. Contrairement à la France, où la mutuelle complète un remboursement public quasi universel, le privé en Espagne fonctionne comme un système parallèle. Aujourd’hui, un Espagnol sur cinq bénéficie d’une couverture médicale privée. Une proportion en hausse ces dernières années, reflétant la saturation du système public et la volonté de certains résidents d’accéder plus rapidement aux soins.
Le coût d’une mutuelle varie selon le profil et les garanties choisies : un jeune actif paie généralement entre 45 et 75 € par mois pour une couverture de soins courants et hospitalisation, un retraité entre 55 et 110 € pour inclure hospitalisation et assistance, et une famille expatriée peut dépenser entre 120 et 250 € mensuels selon ses besoins.
Il est possible de consulter des cabinets privés sans mutuelle, mais le coût reste élevé : 200–250 € pour une consultation spécialisée, et encore plus pour l’imagerie ou la chirurgie. Julien, 35 ans, graphiste français résident à Barcelone depuis 5 ans sans mutuelle, raconte, visiblement fatigué : « j’ai dû attendre trois mois pour un dermatologue. J’ai finalement payé 220 € pour une consultation privée. »
Cette option accentue les inégalités d’accès aux soins. Sophie bénéficie d’une mutuelle pour elle et son mari. Avec un léger soupir, elle témoigne : « pour mes rendez-vous chez un spécialiste, j’ai pu obtenir un créneau en seulement quelques jours. Sans mutuelle, ce serait impossible. Le privé devient vite indispensable quand on a besoin de soins rapides. »
Tensions et ressentis des patients
La situation génère frustration et fatigue : les patients se heurtent à des délais longs, les médecins sont surchargés, et ceux qui ne peuvent pas payer le privé se retrouvent souvent en difficulté. Les consultations express, l’épuisement des professionnels et le stress des patients traduisent la tension croissante du système.
Julien exprime son agacement : « Ça m’énerve parfois de devoir attendre longtemps pour des consultations importantes dans le public. Pour les examens non urgents, je continue d’aller au CAP : c’est moins rapide, mais fiable et accessible. »
Des mesures sont prévues pour améliorer la situation, comme le renfort des soins primaires, la digitalisation et la réorganisation des listes d’attente. Pourtant, la croissance démographique reste un défi majeur pour le système de santé catalan.