mercredi 8 octobre 2025

Tourisme en Espagne : vers la fin de l’euphorie ?

La promesse des 100 millions de touristes annuels s’éloigne pour l’Espagne, malgré un mois d’août record. Derrière les chiffres, une histoire de surchauffe, de saturation… et de désamour.

Photos : Clémentine Laurent

Depuis l’après-pandémie, la machine touristique espagnole semblait inarrêtable, battant record sur record, jusqu’à rêver de la conquête historique : les 100 millions de visiteurs, annoncés pour 2025. Mais cet automne, l’euphorie retombe.

« On pensait que ça irait toujours plus fort, d’année en année », confie Aline, réceptionniste française dans un hôtel barcelonais. Mais les chiffres le confirment : malgré un mois d’août au plus haut, avec 11,3 millions de visiteurs internationaux, l’année 2025 ne dépassera pas les 98 millions de touristes. Et 2026 ne fera pas mieux. Le cap symbolique des 100 millions, tant répété et tant fantasmé, s’éloigne.

Pour comprendre ce coup de frein, il faut remonter le fil d’un été en demi-teinte. Juin, juillet, même mai : des mois historiquement faibles en croissance, avec moins de 2 % d’augmentation par rapport à 2024. L’Espagne, deuxième destination touristique mondiale après la France, perd de la vitesse.

Moins de touristes français

À Barcelone, ville vitrine et laboratoire du surtourisme, les signes de saturation sont palpables. Moins de touristes français cet été (-5,1 % en août), des séjours plus courts, des dépenses en baisse. Le tourisme de masse, dopé par la reprise post-pandémie, semble avoir atteint son plafond de verre.

« Mon impression est que le cycle commence à décliner. Il ne s’agira pas d’une chute brutale, mais bien d’un ralentissement de la demande. Il y a déjà des zones où les niveaux d’occupation ont été inférieurs », a souligné Raúl González, directeur général de la division hôtelière de Barceló en Europe, dans le journal économique Expansión.

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« Le modèle montre ses fissures », résume sur le terrain Pol, guide indépendant dans le quartier gothique. « Les gens en ont marre des lieux bondés et surtout de la hausse des tarifs des hébergements ». L’indice des prix à la consommation a grimpé de 2,7 % en août, et les services touristiques explosent : +20 % sur les vols, +9 % sur les appartements de type airbnb. Même les cafés ont pris 4 %.

Un tourisme en mutation

Pourtant, les recettes, elles, continuent de monter. En août, les visiteurs étrangers ont dépensé 16,4 milliards d’euros, soit une hausse de 6,7 %. Mais cette dynamique masque une tension : plus de revenus, moins de visiteurs. Un changement de cycle, selon certains. Une alerte, pour d’autres.

Car l’Espagne n’a pas seulement un problème de volume. Elle affronte une transformation plus profonde : celle des usages, des attentes, des récits. L’idée de « vacances à l’espagnole » ne suffit plus. Les Allemands, frappés par une crise économique chez eux, viennent moins. Les Britanniques dépensent moins. Et les Français, s’ils continuent de venir, ne prolongent plus leur séjour.

En Catalogne, les chiffres d’août sont clairs : recul de 4,3 % des arrivées, malgré la deuxième place au niveau national. Le tourisme résiste, mais se transforme. Les destinations secondaires, comme l’Andalousie ou la Galice, profitent d’un certain rééquilibrage. Mais la croissance exponentielle qu’a connue la péninsule ces dernières années semble n’avoir été qu’une parenthèse.

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