vendredi 17 octobre 2025

L’Espagne vit-elle une nouvelle bulle immobilière ?

Alors que les prix s’envolent, le spectre de l’éclatement de la bulle immobilère de 2008 qui a plongé l’Espagne dans une grave crise économique refait surface. Faut-il craindre un nouveau crash ? Eléments de réponse. 

Photos : Cyane Morel

Acheter en Espagne est devenu un luxe. En 10 ans, les prix ont grimpé de 35% en moyenne dans tout le pays, avec des pics dans certaines régions, comme les Baléares ou les Canaries, où ils ont presque doublé. Ils dépassent désormais, allègrement, les tarifs pratiqués durant la fameuse bulle immobilière des années 2000. Mais la situation est bien différente selon les experts.

Dans le dernier rapport de l’association des entreprises de valorisation immobilière en Espagne (AEV), les professionnels du secteur affirment que « les conditions de financement actuelles sont beaucoup plus strictes que durant la période précédant 2008, avec un contrôle rigoureux exercé par les établissements financiers ». De plus, le profil des acheteurs a changé : il s’agit désormais d’une demande solvable, disposant d’un bon pouvoir d’achat, et dans 40% des cas, cas n’ayant pas besoin de recourir à un prêt hypothécaire. Une demande par ailleurs fortement soutenue par la part croissante d’acquéreurs étrangers, qui accaparent une transaction sur trois dans des zones comme les Baléares, les Canaries ou Alicante.


Pour en savoir plus sur le marché immobilier espagnol, écoutez notre podcast Immobilier en Espagne : mode d’emploi


 

La rareté de l’offre, l’investissement étranger et le rôle du logement comme valeur refuge expliquent, selon le rapport, la hausse des prix. Mais dans ce contexte, « tant que la demande restera solvable et que l’offre demeurera limitée, les prix pourraient continuer à augmenter sans que cela n’implique nécessairement l’existence d’une bulle immobilière », estiment les professionnels, qui reconnaissent toutefois des « signes naissants de bulle, de manière localisée ».

Les points de vigilance se situent principalement dans les îles, où une bulle spécifique pourrait se former, tandis que certains « dynamiques spéculatives modérées sont également observées », notamment dans l’achat à des fins locatives ou dans la location touristique. Des tendances à surveiller, mais pas de quoi s’inquiéter d’une spéculation généralisée selon le syndicat.

Un marché à rééquilibrer « d’urgence »

Un avis pas du tout partagé par les chercheurs universitaires de Madrid, Barcelone et Dublin qui ont analysé les chiffres des deux premières villes d’Espagne. Ils en ont tiré une conclusion on ne peut plus claire : « Madrid et Barcelone traversent actuellement une nouvelle phase de bulle immobilière » depuis début 2023. Mais effectivement, cette bulle n’est pas comparable à celle d’il y a 20 ans, principalement parce qu’elle « a pris naissance sur le marché de la location avant de se propager à celui de la vente » selon les chercheurs.

arnaques Airbnb à Barcelone

A Madrid comme à Barcelone, la croissance démographique, portée par l’arrivée de nombreux étrangers notamment, exerce une forte pression sur le marché locatif, où la demande reste constante et les prix en hausse. À cette dynamique s’ajoutent : un marché du travail solide, qui améliore le pouvoir d’achat des ménages et stimule ainsi la demande tant à l’achat qu’à la location, ainsi que la récente baisse des taux d’intérêt, qui accroît la rentabilité attendue des actifs comme l’immobilier et alimente le cycle de surévaluation du marché. « En résumé, le marché locatif agit comme le principal moteur de cette nouvelle bulle ».

Si leurs analyses du marché diffèrent, les chercheurs et les professionnels du secteur sont d’accord sur une chose : la nécessité de la mise en place rapide de politiques publiques pour stabiliser le marché. « Bien qu’il n’existe pas de bulle généralisée, la rareté de l’offre, le poids des achats comptants et la pression de la demande étrangère alimentent une dynamique qui maintient les prix à des niveaux très élevés, indique Jorge Dolç, secrétaire général de l’AEV, il est urgent de mettre en place une stratégie à moyen et long terme combinant financement, foncier et logement abordable afin de rééquilibrer le marché. »

Les universitaires insistent eux aussi sur « l’urgence de recentrer les politiques publiques sur le marché locatif ». De son côté, l’exécutif espagnol a annoncé des aides pour les jeunes souhaitant acheter leur première résidence ainsi que la construction de logements sociaux. Des mesures pour l’instant bien insuffisantes face à un marché dont les prix grimpent encore de 10% par an.

Recommandé pour vous