Sous le soleil catalan, Barcelone continue de séduire les Français en quête d’un nouveau départ. Pourtant, derrière les discours enthousiastes et les blogs d’expatriés qui fleurissent sur la toile, beaucoup de Français ne franchissent pas le pas, malgré leur rêve de vire au sein de la capitale catalane. Pourquoi cette hésitation ? Témoignages.
Photo : Clémentine Laurent/Equinox
Chaque année, des milliers de Français envisagent de tout quitter pour tenter l’aventure à Barcelone. Et pour cause, son climat, sa culture, sa proximité avec la mer, son dynamisme a tout pour plaire et permet à bon nom de Français de se projeter au-delà des Pyrénées. Pourtant, beaucoup d’entre eux s’arrêtent à l’idée, au fantasme même, de poser leur valises à l’étranger. Ils hésitent, se projettent, reculent, tergiversent, analysent… Mais ne sautent pas le pas.
Qu’est-ce qui retient ces « presque expatriés » ? Quelles sont les peurs, les freins ? Qu’est-ce qui alimente le blocage ? Peurs économiques, freins psychologiques, poids des habitudes… Le fantasme de la vie catalane se heurte souvent à la réalité du changement. Claire, 34 ans, développeuse web à Toulouse, fait partie de ces indécis chroniques. « J’ai toujours rêvé de m’installer à Barcelone. Dès que j’ai commencé à télétravailler, je me suis dit : c’est le moment. Mais à chaque fois, quelque chose me retient », admet-elle.
« J’attends le bon moment »
La Française a visité la ville à plusieurs reprises, cherché des appartements, discuté avec des expatriés. Et pourtant, elle reste en France. « Je me dis que j’ai besoin d’un peu plus de stabilité, d’un client supplémentaire, d’une sécurité financière… En réalité, je repousse. J’attends d’être prête, mais je sais bien que je ne le serai jamais totalement. »
Cette paralysie, de nombreux Français la partagent. Le projet d’expatriation, souvent idéalisé, réveille en eux une multitude de peurs : celle de l’échec, du déracinement, ou tout simplement du saut dans l’inconnu. Nachida, 67 ans, retraitée et divorcée, vit à Avignon. Depuis plusieurs années, elle rêve d’un quotidien au bord de la mer, d’un rythme plus doux et d’une retraite plus libre et apaisée après avoir fait une carrière dans l’éducation nationale en région parisienne.
« Barcelone, c’est mon projet depuis cinq ans », confie Nachida à Equinox. « Je regarde des appartements dans la ville et aux alentours sur la Costa Brava. Mais à chaque fois que je me rapproche d’un projet concret et d’un possible départ, une inquiétude revient. Et si à mon âge, l’adaptation serait-elle finalement compliquée ? Me retrouverais-je seule car sociabiliser à mon âge n’est pas forcément simple ? » Avec plus de pragmatisme, la retraitée évoque aussi la logistique : « Ici, j’ai un appartement près de mes soeurs, des repères, des habitudes. Je ne veux pas tout perdre pour un pari voire une lubie, car pour moi Barcelone est synonyme de vacances, pas forcément d’un quotidien, la déception pourrait être grande un fois installée pour de bon. »
Entre rêve et lucidité
Barcelone continue de séduire : plus de 20 000 Français y résident officiellement, sans compter les nomades numériques de passage. Mais pour chaque départ, combien restent à rêver ? Les raisons sont multiples : salaires parfois inférieurs aux revenus en France, loyers en hausse, bureaucratie exigeante, une nouvelle langue.
Derrière le mythe de la dolce vita catalane se cache une réalité plus nuancée. La peur du changement est souvent masquée par des arguments rationnels : « On invoque l’argent, la langue, la scolarité… mais derrière, il y a une peur plus profonde : celle de ne plus savoir qui l’on est. Parce qu’expatrié, on devient étranger, on doit se redéfinir dans un nouvel environnement », explique Sandrine Gelin-Lamrani, coach professionnelle internationale et experte de la mobilité.
La pression du regard des autres peut également peser dans la prise de décision. « Dans la culture française, partir, c’est parfois perçu comme fuir. Et revenir, comme un échec. Ce poids social entretient la peur de se lancer », analyse la Toulousaine Claire. Pour beaucoup, le projet n’est pas abandonné, seulement différé. Comme si la décision devait mûrir lentement, jusqu’à devenir une évidence. Claire conclut avec lucidité : « Je crois que ce n’est pas Barcelone que je crains, c’est le saut. Mais peut-être qu’un jour, je franchirai le cap sans y penser. »
Bonus vidéo : ce que Barcelone a appris à ces expats français
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