A Barcelone, la multiplication des livraisons à domicile ne se fait pas sans heurts ni mauvaises surprises. Il faut souvent faire preuve de patience, et en particulier en cette période de fin d’année.
Photo : Clémentine Laurent
Olivier, la quarantaine, a pris une journée de télétravail pour récupérer son paquet. Un meuble commandé deux semaines auparavant, qui devait arriver ce jeudi matin comme prévu. Il tracke son paquet sur l’application d’UPS : livraison prévue entre 9h et 13h. Puis à 13h, le paquet apparait non livré pour cause de « client absent ». Olivier ne comprend pas : « je n’ai pas quitté l’appartement, personne n’a sonné ». Un deuxième passage est annoncé avant 18h. Le paquet apparait de nouveau « en livraison », puis, à 16h, « client absent ». Olivier appelle UPS. « Ils me proposent de livrer le 11 septembre, je leur demande s’ils sont sûrs, car le 11 septembre est férié en Catalogne, ils me disent dans ce cas plutôt le 14 septembre ». Lassé de ces multiples changements et dans l’incapacité de rester tous les jours chez lui à attendre un paquet, le Marseillais décide finalement de faire renvoyer le meuble à l’expéditeur pour remboursement.
L’histoire d’Olivier n’est pas un cas isolé et concerne la plupart des livreurs. Les plaintes affluent sur le site de l’Organisation des Consommateurs et Utilisateurs (OCU) « Ils ont marqué le colis comme livré alors que personne ne l’avait reçu et ils ont inventé un numéro de carte d’identité » : « personne n’a sonné ni appelé le portable pour confirmer quoi que ce soit, alors qu’il y a un gardien dans l’immeuble, présent au moment de la supposée livraison ». De leur côté, les entreprises estiment qu’il s’agit de cas isolés, dus à de mauvaises pratiques de certains livreurs.
Une course contre la montre
« Les galères de livraison ? Ça m’arrive très souvent ! » raconte aussi Rafaëlle, Française qui vit à Barcelone depuis le début de l’année. « Soit parce que je n’ai pas de numéro espagnol, soit parce que mon interphone en bas ne marche pas et qu’ils ne lisent pas mon commentaire de m’appeler pour me prévenir qu’ils sont là, soit simplement parce que le livreur n’était pas à mon adresse et a laissé ma commande dans un hôtel apparemment à côté de chez moi, mais qu’on n’a jamais retrouvé ».
Selon l’association des consommateurs et les syndicats du secteur, le problème est structurel. Les livreurs sont pour la plupart des travailleurs indépendants, payés au nombre de colis livrés. Alors ils optimisent leurs trajets, et si une adresse est trop loin ou qu’ils n’ont simplement pas le temps de le livrer, ils mettent le colis en « client absent » pour avoir un délai supplémentaire. Voire le déposent directement dans un relais, pour le même motif officiel. Ainsi, ils échappent aux sanctions pour retard de livraison et ne perdent pas leur commission.
Car le rythme est infernal et la rémunération ingrate. Un livreur gagne ainsi en moyenne entre 1300 et 1500 euros nets, après avoir payé ses propres cotisations sociales, et pour une centaine de colis livrés chaque jour. D’où la nécessité pour eux d’optimiser leur temps en laissant le colis dans l’ascenseur sans monter, en le déposant chez le voisin.. ou en cochant « client absent ». Une pratique que les professionnels du secteur s’attendent à voir se multiplier au cours des prochaines semaines, la pire période de l’année, entre le Black Friday et les fêtes de fin d’année.