vendredi 7 novembre 2025

Travailler en Espagne quand on est Français : ce qu’on gagne, ce qu’on perd

Barcelone femmes d'expats

Climat, soleil, rythme plus doux… Depuis quelques années, l’Espagne attire toujours plus de Français en quête d’un quotidien plus serein. Mais derrière les clichés, la question du pouvoir d’achat se pose. Entre salaires plus bas et coût de la vie allégé, le bilan est contrasté.

Ils sont chaque année plus nombreux à franchir les Pyrénées : jeunes diplômés en quête d’expérience, cadres lassés du stress parisien, retraités attirés par le soleil ou freelances nomades. L’Espagne, avec ses villes solaires et son art de vivre, fait rêver. Mais derrière la douceur de vivre se cache une réalité plus contrastée : les salaires y sont plus faibles, même si le coût de la vie reste souvent plus bas.

Côté rémunération, la France garde une nette avance. Selon l’étude d’Eurostat (2024), le salaire moyen atteint environ 2 630 € nets par mois en France, contre 1 966 € en Espagne. Un écart d’un peu plus de 30 %, qui reste stable malgré le dynamisme économique espagnol. Même pour les salaires plus modestes, la différence demeure nette : un salarié gagnant autour de la moitié du revenu moyen touche environ 1 625 € nets par mois en France, contre 1 235 € en Espagne.

Ces montants ne correspondent pas au salaire minimum, mais à ce que perçoivent des employés aux revenus modestes, situés en milieu de grille. En bas de l’échelle, le salaire minimum espagnol (Salario Mínimo Interprofesional, SMI) a fortement progressé ces dernières années : il atteint 1 184 € bruts par mois en 2025, versés sur 14 mois — soit environ 1 377 € bruts si on ramène à 12 mois. Après impôts et cotisations, cela représente environ 1 070 € nets. En France, le SMIC s’élève à 1 766 € bruts, soit 1 398 € nets.

Equinox Barcelone immobilier

Autrement dit, un salarié français au salaire minimum gagne encore près de 300 € de plus par mois que son homologue espagnol.« Je gagne environ 20 % de moins qu’à Paris, mais je paie mon loyer deux fois moins cher », raconte Claire, 34 ans, professeure installée à Valence, avec une pointe de résignation. « Et puis ici, je vis mieux : moins de stress, plus de soleil. » À Barcelone, en revanche, la situation est plus tendue.« Je touche 1 900 € nets comme cadre dans la tech, mais mon loyer dépasse 1 300 € », confie Mathieu, 31 ans, ingénieur informatique, d’un air préoccupé… « C’est une ville magnifique, mais la vie y est devenue presque aussi chère qu’à Paris. »

Coût de la vie : plus léger, mais plus pour longtemps

Pendant de nombreuses années, c’était l’un des grands atouts de l’Espagne : un coût de la vie environ 20 % inférieur à celui de la France. Mais la tendance s’inverse, surtout dans les grandes métropoles. À Barcelone, le prix moyen des locations est désormais compris entre 1 000 et 1 600 € par mois pour un appartement avec une chambre en centre-ville, et peut être encore plus élevé dans les quartiers prisés.

À Madrid, les loyers sont un peu plus bas, mais restent élevés, ce qui en fait la deuxième ville la plus chère d’Espagne, avec une hausse historique de 15,3 % sur l’année. À Paris, la situation varie fortement selon les quartiers : un appartement similaire se loue généralement entre 1 250 et 2 000 € par mois, et dans les quartiers les plus recherchés, les loyers peuvent dépasser 1 200 € pour un petit studio.

Dans d’autres grandes villes françaises, le contraste avec l’Espagne reste plus réduit : à Lyon, Marseille ou Nice, un appartement équivalent se loue entre 850 et 1 350 € par mois. En Espagne, la situation varie selon les villes : à Valence, un appartement d’une chambre en centre ville se loue souvent entre 800 et 1 300 €, tandis qu’à Séville, les loyers restent plus abordables, autour de 600 à 850 €, même dans des quartiers centraux.

L’alimentation est également moins chère en Espagne : une personne seule dépense environ 262 € par mois pour ses courses, contre 366 € en France (Numbeo). En combinant loyer, courses et autres dépenses courantes (transports, énergie, loisirs), un résident dans une grande ville française dépense environ 2 066 € par mois, contre 1 712 € par mois pour un résident dans une métropole espagnole comparable. « Ici, tout a augmenté : le pain, l’huile, le café… », soupire Isabelle, 52 ans, guide touristique à Séville. « On vit bien, mais on fait plus attention qu’avant. »

Coût de la vie (France vs Espagne, 2025)

Poste / Dépense France (grande ville) Espagne (grande ville)
Loyer 1 chambre (centre-ville) 1 250 – 2 000 € 1 000 – 1 600 €
Courses mensuelles (alimentaire) 366 € 262 €
Autres dépenses courantes (transports, énergie, loisirs) 450 €* 450 €*
Coût de la vie total estimé ~2 066 € ~1 712 €

*Estimation pour une personne seule, hors loisirs optionnels supplémentaires.

Qualité de vie : l’autre richesse espagnole

Malgré les écarts de salaires et la hausse du coût de la vie dans certaines grandes villes, beaucoup de Français installés en Espagne ne regrettent rien. Le rythme de vie y est souvent plus souple, le climat plus clément, et la culture du temps libre reste un vrai atout : tapas en terrasse, promenades en bord de mer, fêtes de quartier… autant de moments que l’on peine à trouver dans les grandes villes françaises.

Certains Français gardent leur rythme “à la française”, travaillant tôt et déjeunant à heures classiques, surtout dans les grandes villes ou certains secteurs professionnels. D’autres adoptent le rythme local — déjeuner à 15 h, dîner à 22 h — et profitent d’un meilleur équilibre entre travail et vie personnelle. « En France, j’avais un meilleur salaire, mais je rentrais épuisée tous les soirs », confie Claire, heureuse de mieux concilier travail et vie personnelle. « Ici, je gagne moins, mais j’ai retrouvé du temps pour vivre. »

Pour d’autres, l’Espagne offre aussi une qualité de vie sociale et culturelle incomparable : festivals toute l’année, fêtes traditionnelles, marchés locaux, ambiance conviviale dans les bars et cafés. « La vie ici est plus vivante, plus chaleureuse », raconte Mathieu, sur un ton enthousiaste. « On mange dehors, on prend le temps de discuter, de rire… ce n’est pas qu’une question d’argent, c’est vraiment un style de vie. »

Même pour ceux qui gardent leur rythme à la française, le soleil, la convivialité et le plaisir de vivre compensent souvent largement la différence de salaire.

 

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