Il y a un moment dans la vie de chaque expatrié où l’on doit faire face à une épreuve plus complexe que l’ouverture d’un compte bancaire en Espagne, plus abyssale que la bureaucratie catalane et plus embarrassante que confondre les mots « pollo » et « polla »… Il s’agit bien sûr de la sélection de ses cadeaux de Noël.
Car, chaque retour en France depuis Barcelone déclenche le même rituel : tout le monde réclame « un petit truc typique. » Une demande simple en apparence, mais qui plonge n’importe quel expat dans une course contre la montre à la recherche du cadeau parfait.
Et comment faire comprendre à vos proches qu’en Catalogne, « tradition » rime souvent avec « farfelu » voir carrément bizarre.
En tous cas, aux vues du climat, peut-être que reporter l’attention sur la Catalogne est la meilleure solution pour garantir la paix autour de la table.
Voici donc un inventaire assumé des cadeaux les plus typiques qui feront douter votre famille de votre santé mentale depuis que vous vivez « là-bas, en Espagne, enfin… en Catalogne… »
Le Caganer : le santon le plus irrévérencieux de la crèche
On ne va pas tourner autour du pot (mais lui, si). Le Caganer, c’est le cadeau de base. Celui dont absolument personne n’a besoin, mais que tout le monde montre fièrement sur WhatsApp une fois reçu. Vous expliquez, un peu gêné : « Alors voilà, c’est un petit bonhomme qui… euh… fait caca dans la crèche, mais c’est normal, c’est traditionnel, ça porte chance. »
Et là, les réactions varient. Il y a :
– Votre mère, qui ne comprend pas mais rit par politesse, avant d’aller googler « tradition catalane caca » pour vérifier que vous n’êtes pas devenu mythomane.
– Votre grand-père, qui trouve ça formidable et annonce qu’il va le mettre “à côté du petit Jésus, pour rigoler. »
– Votre cousin, qui demande s’il en existe à l’effigie de Mbappé (oui, évidemment).
Bonus : pour les familles nombreuses, vous pouvez acheter toute une collection : le Caganer politique, le Caganer footballer ou star de cinéma… Une sorte de panthéon scatologique contemporain.
Le Caga Tió : la bûche qui mange, sourit et défèque des cadeaux
Si votre famille a survécu au Caganer, vous pouvez passer au niveau supérieur : le Caga Tió, probablement la tradition de Noël la plus profondément discutée par les psychanalystes du monde entier.
Le pitch, pour un Français, est déjà un cadeau en soi :
« C’est une bûche…avec une petite couverture… qu’on nourrit comme un Tamagotchi… et ensuite, les enfants la tapent avec un bâton pour qu’elle fasse caca des cadeaux. »
Le présent parfait : décoratif, mignon, folklorique, et surtout, vous deviendrez immédiatement la personne la plus divertissante du dîner.
Le porró de vino : l’objet-piège qui met tout le monde à l’épreuve
Le porró (ou porron) est sûrement l’objet qui cache le mieux son jeu. Une sorte de carafe en verre avec un long bec qui se transforme en instrument de gymnastique sociale.
« Le porró n’est pas qu’un récipient : c’est un rite. » Toute la famille est pendue à vos lèvres avant de comprendre l’objectif véritable : se renverser du vin dessus en essayant de minimiser les dégâts. Car, cet objet se transmet de main en main lors des repas festifs, et demande une technique que personne ne réussit du premier coup : lever le bras, éloigner le verre de la bouche, laisser couler le vin en un fin filet sur le nez, éviter la catastrophe, maintenir sa dignité.
Le porró finira souvent exposé ou mystérieusement cassé après une seule et unique tentative de dégustation conclue par un tapis tâché.
Un cadeau idéal : beau, pratique (en théorie), spectaculaire (en pratique), et garant d’un joyeux chaos.
La barretina : le bonnet rouge qui transforme toute la famille en troupe de théâtre folklorique
Autre cadeau iconique : la barretina, ce bonnet rouge traditionnellement porté par les paysans catalans. Un accessoire à mi-chemin entre l’héritage rural, le cosplay folklorique et la déclaration d’amour à une région qui ne fait jamais les choses à moitié.
La barretina a un pouvoir extraordinaire : elle transforme toute personne qui la porte en personnage miniature d’une peinture costumbriste du XIXème siècle. Même le plus sérieux des oncles ne résiste pas à l’essayer « juste pour voir », avant de se mettre à marcher d’un pas faussement solennel.
Cet accessoire coche toutes les cases : léger, imperméable au passage du temps, parfaitement identifiable, et surtout extrêmement photogénique.
Cava et toi ?
Le cava possède une vertu unique : il ne demande aucune explication culturelle. Pas de tradition scatologique ou de rituel étrange. Juste de simples bulles. Ici, on peut être sûrs que tout le monde s’exclamera que ça ne vaut pas le champagne, mais peut-être que s’ils forcent sur le cava, vos proches oublieront vos précédents cadeaux et vous laisseront repartir sans passer par la case Psychiatre.
