jeudi 18 décembre 2025

« Qui peut encore vivre ici ? » : Barcelone, championne de la gentrification

Dans une étude inédite, des chercheurs mesurent l’intensité de la gentrification dans les grandes villes espagnoles. Barcelone arrive en tête, avec une transformation accélérée de ses quartiers populaires en enclaves réservées aux plus aisés. Un phénomène urbain qui devient une urgence sociale.

Dans les ruelles de la Barceloneta, les pancartes « à vendre » cèdent peu à peu la place aux terrasses végétalisées d’appartements de luxe. Ce quartier de pêcheurs emblématique incarne aujourd’hui le revers d’une transformation urbaine de plus en plus visible dans la cité catalane : la gentrification. Un phénomène bien connu des Barcelonais, mais dont l’intensité et l’extension géographique viennent d’être précisément mesurées par une étude inédite du Centre d’Estudis Demogràfics de l’Université Autonome de Barcelone.

Entre 2011 et 2021, les dix plus grandes villes d’Espagne ont vu leurs centres historiques se métamorphoser sous l’effet combiné de la hausse des loyers, de l’arrivée de populations plus diplômées et internationales, et d’un exode progressif des classes populaires.

Barcelone et Madrid se distinguent dans cette évolution par la puissance du phénomène. Dans la capitale catalane, la gentrification atteint son paroxysme dans le quartier de la Barceloneta, suivi de Sant Pere-Santa Caterina i la Ribera, la Vila de Gràcia et l’Antiga Esquerra de l’Eixample. Le Raval, longtemps préservé en raison de sa forte précarité, commence lui aussi à voir ses équilibres basculer.

Un processus sélectif et inégalitaire

« Le prix du logement agit comme un filtre. Plus il est élevé, plus un quartier devient exclusif et excluant », résume Carlos Sanz-Pérez, co-auteur de l’étude. À mesure que les loyers flambent, les profils changent : jeunes actifs, travailleurs du numérique, retraités européens aisés ou familles d’expatriés remplacent les résidents historiques. Les données confirment aussi une surreprésentation de personnes vivant seules, avec un haut niveau d’études et nées dans des pays développés. Autant de marqueurs typiques de la gentrification contemporaine.

« Qui peut encore vivre dans Barcelone intra-muros ? » La question, posée par Sanz-Pérez, résume l’enjeu de fond : celui du droit à la ville. Car derrière la transformation des façades, c’est un tissu social qui se délite. Car ce qui inquiète les chercheurs, ce n’est pas seulement l’intensité du phénomène, mais sa diffusion géographique. À Barcelone, la gentrification s’étend désormais au-delà du centre historique, gagnant les quartiers jusqu’ici préservés de Sants, Sant Martí ou encore Poble Sec. Des zones autrefois populaires, aujourd’hui en voie de requalification.

 

Mais le modèle se répète dans les villes moyennes : à Valence, le processus avance vers Extramurs et Russafa ; à Málaga, il touche Trinidad et Mármoles ; à Séville, le quartier de Triana. Même Saragosse, longtemps épargnée, voit son centre ancien progressivement transformé. L’Espagne n’en finit plus d’être victime de son succès.

 


Les quartiers de Barcelone qui ont subi la plus forte gentrification en 10 ans

  1. La Barceloneta (Ciutat Vella)
  2. Sant Pere, Santa Caterina i la Ribera (Ciutat Vella)
  3. La Vila de Gràcia (Gràcia)
  4. L’Antiga Esquerra de l’Eixample (Eixample)
  5. El Raval (Ciutat Vella)
  6. La Dreta de l’Eixample (Eixample)
  7. La Sagrada Família (Eixample)
  8. Sant Antoni (Eixample)
  9. El Poblenou (Sant Martí)
  10. El Poble-sec (Sants-Montjuïc)
  11. Sant Gervasi – Galvany (Sarrià – Sant Gervasi)
  12. Sants (Sants-Montjuïc)
  13. El Fort Pienc (Eixample)
  14. El Clot (Sant Martí)
  15. Hostafrancs (Sants-Montjuïc)
  16. La Nova Esquerra de l’Eixample (Eixample)
  17. Can Baró (Horta – Guinardó)
  18. El Camp de l’Arpa del Clot (Sant Martí)
  19. La Font de la Guatlla (Sants-Montjuïc)
  20. El Barri Gòtic (Ciutat Vella)

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