Un millier de Barcelonais ont manifesté ce dimanche midi pour dire stop au tourisme de masse mais aussi aux digital nomads et autres expatriés de passage. Reportage.
Photos : AC/Equinox
« On nous fout dehors de notre propre ville ». Gloria, la soixantaine, est en colère. Contre les pouvoirs publics, contre les lobbies immobiliers mais aussi contre ceux qu’elle considère leurs complices : les touristes et les expatriés qui sont prêts à débourser deux fois plus qu’un local pour un appartement. A Barcelone, le loyer moyen est désormais supérieur au SMIC et se loger est devenu un parcours du combattant. Les offres pour les résidents se sont considérablement réduites, au profit des logements touristiques ou logements temporaires de moins d’un an. « Ils nous prennent nos logements et bientôt il n’y aura plus de Barcelonais à Barcelone », explique-t-elle en montrant sa pancarte faite maison « les expats tuent nos quartiers ».
Mais c’est quoi un expat exactement, lui demande une autre manifestante. « Ce sont des gens qui viennent ici un ou deux ans, télétravaillent en gardant leur salaire du nord de l’Europe, peuvent se permettre de louer ou acheter beaucoup plus cher que nous, et s’en fichent complètement de notre culrure ou notre histoire, ils n’apprennent même pas la langue », répond l’habitante du quartier de la Sagrada Familia.
Gloria se bat pour que les Barcelonais ne finissent pas par tous déserter la ville, faute de pouvoir se loger. Comme son amie Ester, qui vit depuis 40 ans dans un appartement du quartier gòtic. « Un fonds d’investissement a racheté pour en faire des logements touristiques et il nous met tous dehors ». Ester et ses voisins iront pour la plupart en banlieue, où les loyers restent plus accessibles.. pour l’instant. Loin d’être un fait isolé, ce phénomène prend de l’ampleur et transforme peu à peu la ville en un parc hôtelier géant.
« Il n’y a plus de commerce de proximité, juste des boutiques globalisées et des restaurants à brunchs », explique un peu plus loin Cristina, qui pourtant vit dans l’Esquerra de l’Eixample, un quartier a priori sans intérêt touristique. Elle est venue manifester avec son ami Carles, qui brandit sa pancarte « 1,6 million d’habitants, 26 millions de touristes ». Lui est excédé par les digital nomads qui ne viennent que « profiter du soleil, sortir entre eux en parlant anglais ». Tout en encourageant tous les expats à s’intégrer à la communauté nationale. « Je fais la différence entre ceux qui ne sont là que pour le climat, et font plus de mal que de bien, et ceux qui apprennent la langue, s’intéressent à la culture et l’histoire locale, ceux-là sont comme tous les autres Barcelonais ».
Les pouvoirs publics aux abonnés absents
Mais si les étrangers sont pris pour cible, ce sont les responsables politiques qui sont tout de même montrés du doigt dans le cortège, et notamment le maire Jaume Collboni. « La mairie pourrait offrir un accompagnement à ceux qui se font expulser sans raison et arrêter cette folie spéculative », s’indigne Gloria. Les manifestants réclament davantage de protection pour les locataires et davantage de logements sociaux. Mais aussi un vrai plan pour contrôler le tourisme, et décongestionner les quartiers les plus saturés.
« On a la sensation qu’on nous a volé notre ville », nous dit Joan, qui vit non loin du Park Güell. « Les transports publics sont saturés, c’est invivable ». L’année dernière, la mairie avait fait retiré un bus de quartier de Google Maps, afin que les touristes ne le trouvent plus, mais n’a fait que déplacer le problème. Malgré de grandes annonces, et notamment celle de l’interdiction prochaine des logements touristiques, la municipalité semble totalement se désintéresser du malaise croissant de ses administrés.