Sabadell, le meurtre non élucidé d’Helena Jubany hante encore l’Espagne

crimes en espagne 148x217 1Cet été, Equinox rouvre les dossiers criminels les plus marquants d’Espagne. Enquêtes glaçantes, disparitions mystérieuses, procès médiatiques : retour sur ces histoires vraies qui fascinent autant qu’elles dérangent.

C’est notre série estivale, avec un nouvel épisode tous les dimanches.


Elle était jeune, cultivée, passionnée de randonnée. En décembre 2001, Helena Jubany est retrouvée morte, jetée nue depuis une terrasse à Sabadell. Vingt-quatre ans plus tard, la justice piétine encore et l’ombre des lettres anonymes stagne toujours sur ce crime resté sans coupable aujourd’hui.

Helena Jubany était ce que beaucoup auraient appelé une fille bien. Bibliothécaire de profession, amoureuse des livres, des randonnées et des discussions entre amis, elle venait tout juste de s’installer seule dans un appartement à Sabadell, ville située à 30 minutes de Barcelone.

Originaire de la côte catalane, elle participait activement aux sorties de l’Unió Excursionista de Sabadell (UES), un club de randonnée local. Là-bas, elle s’était rapprochée de plusieurs membres du groupe. Parmi eux, Montse Careta, une professeure de sciences naturelles, et son compagnon, Santi Laiglesia. Tous semblaient partager la même passion pour les montagnes et les week-ends en plein air. Une vie tranquille, tournée vers les autres, que rien ne laissait présager tragique.

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Drôle de courrier

À l’automne 2001, Helena commence à recevoir d’étranges courriers anonymes. Le premier, daté du 17 septembre, est accompagné d’un croissant et d’une bouteille d’horchata, sa boisson préférée. Le mot, au ton faussement joyeux, parle de jeux, de devinettes, et est signé d’un mystérieux « nous ».

Quelques semaines plus tard, un second message arrive, cette fois avec un jus de fruit. Le ton a changé : plus sérieux, plus personnel, presque intrusif. Helena boit. Très vite, son corps lâche, sa tête se brouille. Quelque chose ne va pas. Elle fait analyser la boisson. Le résultat est implacable : elle a ingéré des benzodiazépines, un sédatif puissant, utilisé pour plonger quelqu’un dans l’inconscience sans laisser de traces visibles. Un poison silencieux. Peut-être a-t-elle déjà un doute. Peut-être sent-elle que quelque chose cloche autour d’elle. L’agresseur ne cherchait pas à faire peur mais à instaurer une confiance.

helena jubany 1 1Helena Jubany et ses parents

Le 30 novembre 2001, Helena sort de chez elle mais ne rentrera jamais. Le scénario se dessine. Helena aurait été droguée, dénudée, retenue contre son gré, puis tuée avant d’être jetée du toit pour maquiller le tout en suicide. Un détail cloche. L’immeuble d’où a été jeté la jeune femme était habitée par…Montse Careta. L’autopsie révèle une dose massive de médicaments dans son sang : plus de 35 fois la dose normale. On découvre aussi des marques de brûlures et de contention.

Montse careta
Montse Careta

L’enquête s’oriente immédiatement vers son entourage. La police arrête alors Montse Careta chez qui on retrouve une copie de l’un des courriers anonymes. Mais quelques semaines plus tard, celle-ci se suicide dans sa cellule. Elle laissera une lettre clamant son innocence.

Vingt ans d’impasse, puis un rebondissement

Pendant 18 ans, le dossier reste intact. Pas de procès, pas de condamnation. En 2005, la justice classe l’affaire. Trop d’ombres, pas assez de preuves.

Mais en 2021, grâce à la persévérance de la famille Jubany, le dossier est remis sur la table. Et les avancées scientifiques changent la donne. Une nouvelle analyse ADN écarte définitivement Santi Laiglesia, petit ami de Montse. En revanche, une expertise graphologique désigne Xavi Jiménez comme auteur probable des lettres. Ce membre discret de la UES, que personne ne soupçonnait vraiment, est mis en examen. Mais là encore, l’instruction stagne. Les délais judiciaires, les preuves effacées par le temps, et les silences gênés rendent toute avancée difficile. Aujourd’hui, Xavi nie toute implication. Aucune date de procès n’est fixée.

Vingt-quatre ans après la mort d’Helena Jubany, l’affaire reste un mystère glaçant. Une jeune femme cultivée et aimée, assassinée avec une violence inouïe, au sein d’un cercle supposé amical. Des lettres, des drogues, des mises en examen, puis l’oubli.

La justice avance, mais trop lentement. Pour la famille, la douleur reste vive. Pour la Catalogne, cette affaire est devenue un symbole de ces crimes restés sans coupable. Et pour Helena, seule la vérité pourrait, un jour, lui redonner sa voix.

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