Les feux de forêt reviennent, une fois de plus cet été, monopoliser les gros titres en Espagne, avec un nombre important de foyers en Galice, en Castille-et-León et en Estrémadure. Le feu peut sembler être la conséquence inexorable de la vie dans les environnements méditerranéens ou atlantiques, riches en végétation et marqués par une longue sécheresse estivale. Mais est-ce vraiment le cas ? Aurions-nous pu éviter au moins une partie des dégâts causés par les flammes ?
Par Víctor Resco de Dios, Universitat de Lleida
La réponse au problème des incendies de forêt s’est concentrée sur le renforcement de l’extinction. Mais répondre à un problème n’est pas la même chose que le résoudre. Répondre, c’est faire quelque chose, n’importe quoi, indépendamment de son efficacité. Résoudre un problème, en revanche, implique de s’attaquer aux causes structurelles pour éviter les dommages évitables et tirer parti des opportunités que peut offrir l’événement.
Augmenter les ressources destinées à l’extinction est une mesure populiste, qui bénéficie d’un soutien populaire, mais qui ne résout pas le problème. Certaines estimations indiquent que 75 % des largages aériens, par exemple, sont inutiles.
Alors, comment résoudre le problème ? La clé réside dans le passage de l’extinction à la gestion du feu.
En quoi consiste la gestion du feu ?
Pour comprendre comment gérer le feu, il faut d’abord saisir son rôle écologique et social. Le feu, avec les herbivores et certains microbes, se charge de recycler la biomasse dans les écosystèmes. Autrement dit, les plantes poussent continuellement, mais la biomasse ne s’accumule pas indéfiniment, car les incendies la brûlent, les herbivores la mangent et les microbes la décomposent.
Aujourd’hui, nombre de nos écosystèmes supportent une charge de biomasse qui n’est plus naturelle. Avec l’abandon des campagnes, l’activité des herbivores est devenue anecdotique, laissant aux incendies le rôle principal dans le recyclage de cet excès de biomasse. Les feux actuels sont particulièrement voraces, car ils rencontrent des accumulations de combustible démesurées.
Gérer le feu ne signifie donc pas seulement éteindre les flammes dès qu’apparaît la première étincelle. Il s’agit surtout de gérer cet excès de biomasse, afin de comprendre le rôle écosystémique du feu et de l’utiliser à notre avantage.
Dans certains cas, la gestion du feu peut impliquer de laisser brûler certains incendies, à condition de garantir la sécurité. Il faut aussi introduire le feu par le biais de brûlages dirigés, qui consomment la biomasse de façon sûre pour la population, tout en contribuant au recyclage des nutriments.
Parmi les autres mesures, on trouve le développement de l’élevage extensif, qui réduit le combustible, l’éclaircissement des forêts — qui atteignent aujourd’hui leur plus haut niveau de densité des 100 000 dernières années — et le renforcement de l’activité agricole.
Les incendies, un problème politique
Bien qu’il existe actuellement certaines stratégies de prévention des incendies en Espagne, elles sont insuffisantes et d’une ampleur trop limitée. Les compétences relèvent aujourd’hui des communautés autonomes.
Contrairement à une idée reçue, la principale limite à la gestion et à la prévention du feu n’est pas financière. Selon le Groupe de Renfort des Interventions Forestières des pompiers de Catalogne, l’extinction coûte environ 19 000 €/ha, tandis que la prévention se situe à 3 000 €/ha pour les éclaircies ou les débroussaillages, et à 300 €/ha pour les brûlages dirigés.
Il ne s’agit pas non plus d’une limite scientifique, car les études existantes indiquent déjà comment aborder le problème. Sur le plan technique et ingénierique, nous savons également ce qu’il faut faire. Il s’agit surtout d’un problème politique. Car pour mettre en œuvre une véritable gestion du feu et des écosystèmes, il faut des responsables politiques courageux.
Beaucoup de législateurs restent prisonniers d’idées romantiques sur la nature, confondant écologisme et « édénisme ». C’est-à-dire qu’ils cherchent à protéger la nature en annulant toute intervention humaine, ou en la réduisant à son minimum. Le cas le plus flagrant concerne les espaces protégés, qui brûlent aujourd’hui de manière disproportionnée.
Le feu dans les zones protégées
Les incendies de Las Médulas (León) ou de Tres Cantos (Madrid), par exemple, se sont produits dans des zones protégées. Les statistiques montrent que ces espaces peuvent brûler jusqu’à 17 points au-dessus de ce qui devrait leur correspondre. De plus, la gravité des incendies y est 20 % plus élevée que dans les forêts non protégées, et l’exposition des populations vivant dans ou autour de ces zones est 900 % plus importante.
Les causes résident dans les fortes accumulations de biomasse dues au manque d’activité forestière, ainsi que dans le faible nombre d’accès et certains facteurs topographiques et météorologiques.
En dehors des zones protégées, on observe également de graves problèmes. L’agriculteur qui voudrait récupérer des terres abandonnées depuis quelques décennies pour les cultiver, par exemple, se heurte à une législation qui l’oblige à réaliser une étude d’impact environnemental, même s’il ne souhaite reprendre qu’un seul hectare. Cela entraîne un coût très élevé qui décourage l’investissement, et la loi sur la déforestation que prépare la Commission européenne pourrait encore aggraver la situation.
Rappelons que nous appelons « foyer » notre maison. Foyer vient de « feu », de l’idée d’être près des flammes pour socialiser et cuisiner. Nous devons réapprendre à gérer le feu pour pouvoir vivre sereinement dans nos foyers.