lundi 13 octobre 2025

Barcelone : comment les commerces de quartier résistent face aux achats en ligne et à l’inflation

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Entre fidélité aux commerçants de quartier, arbitrages économiques et conscience écologique, les consommateurs en Catalogne réinventent leurs habitudes d’achat. Même face à l’essor des courses en ligne, les commerces locaux restent un repère essentiel dans la vie quotidienne.

Dans la petite boutique de son quartier des Corts, Cristina, la cinquantaine, choisit ses morceaux de boeuf en discutant avec son boucher. « Je prends toujours mes viandes ici, je connais le commerçant et j’ai confiance en la qualité », explique-t-elle en souriant. Pour elle, le lien humain et le conseil du commerçant sont essentiels, et aucun site en ligne ne peut remplacer cette relation. Cette fidélité illustre la force des commerces de proximité à Barcelone, qui restent un pilier du quotidien même face aux supermarchés et à l’e-commerce.

La proximité, un repère solide

Selon la dernière étude de la province publiée par la Diputació de Barcelona  sur les habitudes de consommation, près de la moitié des achats (47 %) se font encore dans les commerces de quartier. Les supermarchés arrivent en deuxième position, suivis des marchés municipaux pour les produits frais. Xavier Blanca, chef de la section d’analyse et d’évaluation de la Gerència de Serveis de Comerç de la Diputació de Barcelona, explique : « le contact humain et la confiance jouent toujours un rôle déterminant dans le choix des produits. »

Cristina illustre parfaitement cette tendance : elle achète chez le boucher, le primeur et la boulangerie de son quartier. « J’aime venir ici, choisir mes produits avec eux, et savoir d’où ils viennent. Au supermarché, je ne prends que ce que je ne trouve pas en boutique », confie-t-elle. Pour beaucoup de Barcelonais, comme elle, aller dans les boutiques locales, connaître les commerçants et échanger avec eux fait partie d’un lien social précieux qu’aucune plateforme numérique ne remplace.

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Malgré l’attachement au commerce local, les habitudes évoluent : plus de 30 % des consommateurs n’ont plus de jour fixe pour leurs courses, conséquence directe du commerce en ligne. Entre 2019 et 2024, les achats sur Internet sont passés de 60 % à près de 70 % des foyers. Mais pour les produits frais, seuls 24 % des achats passent par le numérique.

« Le consommateur reste méfiant envers la qualité des produits frais achetés en ligne », observe Xavier Blanca. Les différences générationnelles sont nettes : 68 % des 26–34 ans achètent régulièrement sur Internet, tandis que les plus âgés privilégient la relation directe avec leurs commerçants.

L’inflation et la conscience écologique, aussi dans la balance

L’inflation modifie aussi les comportements d’achat. La dépense moyenne en courses atteint 420 € par mois, avec de fortes disparités selon les revenus. Un consommateur sur deux a changé ses habitudes face à la hausse des prix. Les marques de distributeur gagnent du terrain, tandis que les produits bio ou locaux reculent légèrement.

Leo, responsable d’un supermarché dans l’Eixample, nous explique, tout en étiquetant ses produits : « les clients font très attention aux promotions : le 2×1, la deuxième unité à moitié prix… Avant, ils prenaient le temps de choisir, de comparer, surtout pour les produits frais. Aujourd’hui, beaucoup viennent pour des plats préparés ou pour profiter d’une offre. » Un jeune couple barcelonais déposant ses courses sur le tapis de caisse, confie : « nous aimerions consommer bio et local, mais avec nos revenus, nous faisons nos courses chez Dia. C’est ce que nous pouvons nous permettre. » 

La conscience environnementale influence également les comportements : six foyers sur dix utilisent des sacs ou contenants réutilisables, mais seulement 7 % trouvent des produits écologiques dans les commerces de proximité, surtout dans les petites communes de la province. Pour répondre à cette demande, certains commerçants innovent. Leo explique : « Nous travaillons avec le programme Too Good To Go pour limiter le gaspillage. Les produits proches de la date de péremption sont vendus à prix réduit, et les autres sont recyclés ou récupérés par la municipalité. C’est une façon de rester responsables tout en aidant nos clients à faire des économies. »

Cette transformation touche aussi la répartition des tâches domestiques : si les femmes restent majoritaires dans les achats (62,1 % des foyers), leur rôle évolue, et les hommes participent de plus en plus. Au final, les Catalans inventent une consommation plus flexible, plus partagée et profondément ancrée dans la réalité sociale de leur territoire, où fidélité aux commerces locaux, responsabilité écologique et contraintes économiques se conjuguent au quotidien.

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