La France accumule les crises et les coups d’éclat dont elle se serait bien passée. Outre Pyrénées, les Espagnols hésitent entre stupeur et déception.
« Mais que se passe-t-il en France ? » Aucun expatrié français n’aura échappé à la question de son entourage espagnol au cours des dernières semaines. Manifestations, grèves, rebondissements poltiques abracadabrantesques, un ancien président en prison et le casse du siècle au Louvre, l’Hexagone fait la une des journaux ibériques, pas toujours très flatteurs. « La France face au déclin de la ‘grandeur’ » (en français dans le texte) titrait mi-octobre El País, premier quotidien d’Espagne.
Un certain matin au cours des 15 dernières années, écrit le correspondant du journal à Paris Daniel Verdú, « les Français se sont réveillés du vieux rêve de la grandeur, évoqué après la Seconde Guerre mondiale par le général Charles de Gaulle, fondateur de la Ve République, le régime politique qui, jusqu’à l’an dernier, garantissait la stabilité de la France. La crise financière, la pandémie, les Gilets jaunes. La dégradation des services publics, le déclin du système éducatif, la révolte des territoires d’outre-mer. Aussi, l’éclatement des partis. Et, surtout, le manque d’intégration de l’immigration. Les inégalités. »
L’image de la France s’érode chez ses voisins espagnols qui l’ont pourtant toujours regardée avec une certaine admiration. « Au début, Emmanuel Macron avait une très bonne image ici, mais depuis la dissolution, tout le monde s’est dit qu’il était devenu fou, ça a été vraiment une grande surprise, une mauvaise surprise », constate de son côté Lluís Uría, directeur adjoint du journal La Vanguardia et ancien correspondant à Paris.
Si Macron a dégradé sa propre image depuis l’année dernière, le fatal enchaînement de ces dernières semaines interroge sur l’état réel du pays. « On a l’impression que la France a la poisse, qu’elle accumule les coups de malchance : c’est ingouvernable, puis les agences de notation baissent sa note, et puis maintenant le Louvre qui se fait cambrioler, avec un système de sécurité du niveau d’un musée de village ». Rien ne va plus au pays des Lumières. « Mais on se dit que c’est passager, que ça ne va pas s’éterniser ».
Un pays « en état de choc »
Mais ça commence tout de même à durer. « La France s’habitue à vivre en état de choc, écrit Xavi Fernández de Castro dans le journal catalan El Món , la société française mettra du temps à oublier ce mois d’octobre 2025″. Le journaliste narre ensuite l’entrée en prison de l’ancien président Nicolas Sarkozy, un coup dur pour le pays et pour l’actuel gouvernement.
Sur ce point toutefois, la France marque plutôt un bon point auprès des Espagnols, selon Lluís Uría. « Cela suscite une certaine admiration, un sens de la justice que l’on a du mal à voir ici », explique-t-il, évoquant notamment les affaires de corruption entourant Mariano Rajoy pour lesquels il n’a jamais été inquiété.
Mais au-delà de l’image de la France en Espagne, c’est son rôle en Europe qui préoccupe davantage aujourd’hui. « Nous avons besoin d’une Europe forte face aux Etats-Unis, et la force politique que n’a pas la France au niveau européen porte préjudice à l’Union européenne », poursuit le directeur adjoint de La Vanguardia. La solution à cet engrenage infernal ? En finir avec « le modèle présidentiel de la Ve République où le président est un roi qui décide dans la solitude de l’Elysée et impose ses décisions aux parlementaires », selon Lluís Uría.
Un argument souvent lu dans la presse espagnole ces dernières semaines, du progressiste El País au très conservateur La Razón. Car dans un pays où le Congrès des députés tient un rôle primordial et où le pouvoir est décentralisé à tous les étages, le modèle présidentiel français parait bien plus obsolète, voire anachronique, que la monarchie parlementaire espagnole.