jeudi 30 octobre 2025

Immobilier à Barcelone : comment tout cela va-t-il finir ?

Cyane Morel

Face à la flambée des prix, la capitale catalane s’enfonce dans une dualité croissante : d’un côté, une population locale fragilisée par un marché hors de portée ; de l’autre, une vague continue d’investisseurs et d’expatriés à haut pouvoir d’achat.

Les chiffres donnent le vertige. En Espagne, le prix du logement pourrait encore grimper de près de 9 % entre 2025 et 2026 2026, selon Singular Bank, notamment dans les provinces les plus tendues : Madrid, Málaga, Valence, les îles et Barcelone.

La demande explose, tandis que la construction reste à la traîne : le pays comptera 600.000 logements manquants d’ici la fin de 2025, alors que seulement 260.000 unités neuves devraient être livrées sur la période. Une pénurie structurelle, aggravée par les freins administratifs et la lenteur à développer le parc public.

Barcelone, où le prix du mètre carré frôle désormais les 5.000 euros, voit s’éloigner la perspective d’un marché accessible. En un an, le prix de l’ancien a bondi de plus de 10 %, atteignant 2.460 euros/m² en moyenne nationale, un record en vingt mois.

Les loyers suivent la même trajectoire : Barcelone est la 3e ville européenne où la part du salaire dédiée au loyer est la plus haute. La tension est telle que les biens les plus abordables augmentent deux fois plus vite que ceux de luxe. Résultat : les classes moyennes, laminées, se voient repoussées hors du centre. Un mouvement déjà observé depuis une dizaine d’années dans les quartiers les plus touristiques, mais qui s’étend désormais à toute la ville.

Le grand remplacement immobilier

Ce déséquilibre s’explique aussi par la montée en puissance des acheteurs étrangers. Ils ont acquis en 2024 près de 140.000 logements en Espagne, soit 20 % du total des ventes. Et près de la moitié de ces opérations ont été conclues par des non-résidents, souvent investisseurs ou acquéreurs de résidences secondaires.

À Barcelone, cette dynamique est palpable : la ville attire toujours plus de Français, Allemands, Polonais, Américains ou Latino-Américains, séduits par la stabilité, le climat et le rendement locatif. Le prix moyen payé par ces non-résidents atteint 3.063 €/m², contre 1.700 €/m² pour les Espagnols. Mais cette mutation nourrit une fracture profonde. Les ménages locaux s’enfoncent dans la précarité résidentielle, tandis que les investisseurs étrangers, souvent sans recours au crédit, dictent le tempo du marché.

Cyane Morel

Ce phénomène de « grand remplacement immobilier » redessine déjà la physionomie urbaine. Les cafés et commerces pour expats à haut pouvoir d’achat fleurissent à tous les coins de rue, l’anglais devient la norme dans certains d’entre eux. À long terme, les experts redoutent une Barcelone fracturée, plus internationale que jamais, mais de moins en moins accessible à ceux qui y travaillent.

Barcelone pourrait-elle devenir une petite Manhattan cosmopolite mais élitiste ? Selon les projections actuelles, la capitale catalane prend le chemin d’une enclave de propriétaires fortunés, où la population résidente sera majoritairement étrangère et mobile. Singular Bank prévoit une hausse continue, alimentée par l’afflux migratoire, la faiblesse de l’offre neuve et la baisse attendue de l’Euribor vers 2 %, rendant le crédit à nouveau attractif.

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