mardi 25 novembre 2025

Face à l’insécurité croissante à Barcelone, les femmes se mettent à la self-défense

À l’occasion de la Journée internationale contre les violences faites aux femmes, le 25 novembre, la self-défense apparaît comme une réponse essentielle, notamment à Barcelone. Cette discipline offre des outils concrets pour renforcer la confiance en soi, affirmer ses limites et se sentir en sécurité dans l’espace public.

À quelques pas du parc de la Ciutadella, le Hammer Fight Club résonne des coups portés sur les paos et des respirations concentrées. Hommes et femmes de tous âges et horizons s’y retrouvent pour apprendre à poser leurs limites, affronter leurs peurs et reconnaître une menace avant qu’elle ne se matérialise. Chaque coup, chaque esquive devient une leçon de vigilance et de stratégie, un entraînement de maîtrise de soi.

Pour ceux et celles qui franchissent ses portes, ce n’est pas seulement une salle de sport, mais un véritable refuge. Un lieu où la confiance se construit pas à pas et où la peur se transforme en force. L’approche du club est complète : on y travaille le corps, mais aussi l’esprit, en développant réflexes, assurance et contrôle émotionnel. Chaque séance est une invitation à se découvrir plus fort, à défier ses limites et à les dépasser.

Pourquoi la self-défense est essentielle

Dans le gymnase animé par l’instructeur Oscar Abad, un groupe d’élèves, femmes et hommes confondus, s’entraînent sur les tapis, répétant les gestes et enchaînements avec concentration. Léa, 25 ans, Parisienne blonde au regard pétillant, explique que sa motivation est autant préventive qu’émotionnelle. « Je voulais tester quelque chose de différent… et me sentir plus sereine quand je marche seule la nuit », confie-t-elle. À côté, Madeleine, elle aussi Parisienne, se remémore un vol à l’arraché auquel elle a assisté dès son arrivée en ville. « Cela m’a rappelé qu’il fallait être préparée », raconte la jeune maman de 34 ans.

Julie, 26 ans, au regard alerte et au sourire franc, insiste sur l’importance de réagir face au stress. « Il faut savoir agir et pas rester bloquée. » Même sans avoir été confrontée à une agression, elle se sent plus rassurée. « Plus tranquille de savoir que je peux me protéger si besoin. »

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Des cours pour toutes

Les cours de self-défense à Barcelone accueillent des profils très variés, de l’adolescente à la femme active, en passant par celles qui cherchent avant tout à se sentir plus en sécurité. Dans le gymnase, le bruit des pas sur les tapis se mêle aux frappes rythmées sur le sac et aux instructions précises d’Oscar Abad, directeur du club. Près de la moitié de ses élèves sont des femmes, explique-t-il. « Certaines viennent pour le sport, d’autres après avoir ressenti de l’insécurité. Les cours incluent tous les types de techniques et sont adaptés à des situations réelles : attaque dans la rue, menace avec un enfant ou un objet », précise-t-il, observant ses élèves répéter les gestes avec concentration.

Alba et Laura, jeunes instructrices, insistent sur le fait que la self-défense ne se limite pas au physique. Elles guident les participantes pour apprendre à poser leurs limites, à demander de l’aide et à transformer une situation violente en expérience contrôlée. « On travaille aussi la cohésion du groupe, la confiance et la gestion des émotions », expliquent-elles, tandis que les participantes s’entraident et s’encouragent sur les tapis.

Marie, une Française de 32 ans travaillant dans l’événementiel, pratique le Krav Maga depuis six ans et souligne l’importance du contrôle des émotions, notamment face au stress qu’elle ressent souvent dans son quotidien professionnel. « J’ai appris à lire une situation et à sortir d’un conflit sans foncer tête baissée. Le Krav Maga m’a appris à rester maîtresse de moi-même », explique-t-elle calmement.

Même les adolescentes, comme Sara, 16 ans, trouvent dans ces cours un moyen de se sentir protégées dans leur environnement. Elle a décidé de se mettre à la self-défense parce qu’elle vit dans un quartier difficile et voulait se protéger. « Je me sens plus sûre quand je rentre seule à la maison. » Entre les gestes précis et les conseils pratiques, le gymnase devient un espace où la vigilance se mêle à l’assurance, où la peur peut se transformer en confiance et en autonomie.

Empowerment et confiance

Chaque séance est aussi un acte symbolique d’émancipation. Léa raconte que les cours lui ont prouvé qu’elle pouvait « affronter quelqu’un de plus fort que moi ». Madeleine ajoute que la discipline lui permet de se sentir prête à protéger son bébé et à gérer des situations dangereuses.

Marie insiste sur l’importance du contrôle personnel en déclarant que « le vrai apprentissage, c’est savoir rester calme, ne pas réagir impulsivement. Cela permet de se protéger sans se mettre en danger. » Julie ajoute pour sa part que « chaque séance me rend plus sereine, plus confiante, et je sais que je peux faire face à diverses situations. »

Dans ce contexte, le Krav Maga et la self-défense deviennent de véritables outils de résilience et de prévention. Ils ne servent pas seulement à se défendre, mais enseignent à lire le danger, évaluer l’environnement et choisir les réactions les plus sûres. Les clubs deviennent des espaces de soutien où les femmes créent des communautés solidaires, s’entraident et partagent leurs expériences. Les techniques apprises se combinent à un apprentissage psychologique essentiel : gérer sa peur, poser ses limites et savoir demander de l’aide, autant de compétences qui offrent assurance, autonomie et liberté bien au-delà du tatami.

Et pour cause. À l’échelle mondiale, une femme sur trois a été victime de violence physique ou sexuelle au cours de sa vie.  En 2024, il y a eu 199 094 plaintes pour violence de genre en Espagne, soit en moyenne 544 plaintes par jour, et depuis 2003, plus de 1 330 femmes ont été tuées.

La violence faite aux femmes reste une réalité glaçante à Barcelone. L’année dernière, l’Hôpital Clínic de Barcelone a pris en charge 784 cas d’agressions sexuelles, soit une hausse de 15,6 % en un an. À l’échelle municipale, un rapport de la mairie de Barcelone (2024) révèle que 38 % des femmes ont déjà subi du harcèlement sexuel, contre seulement 6 % des hommes. Ces données soulignent l’urgence de proposer aux femmes des outils de prévention et de protection adaptés à tous les âges et profils.

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